En prémisse du festival Livres à vous, vous êtes parti sur les traces de notre invitée d’honneur du volet adulte de la prochaine édition du festival : Judith Perrignon.
Dominique Osmont vous invitait à écrire à partir d’une phrase de l’autrice, Nous nous parlons d’un lieu où tout est fragile paru chez L’Iconoclaste en janvier 2025 :
« Ramasser les souvenirs du gamin.
Puis ceux de l’homme, avant qu’il ne soit trop tard. »
Comme nous allons sur la 17ème édition du festival, vous avez dû écrire 17 « je me souviens » avec une contrainte stricte : que chaque phrase contienne 17 mots.
Je me souviens que la mer était belle , légèrement plissée par de fines vagues ondulant en surface.
Le bateau filait droit devant, sans gîter, avec le vent en poupe, le génois bien gonflé , Yes !
La traversée s’annonçait tranquille, les miles s’enchaînaient grâce à la brise sur cette mer plate.
Mon capitaine souriait sous sa casquette ; je devinais le pétillement de ses yeux sous les lunettes sombres .
Mon mal de mer s’estompait les jours où l’océan était clément , sans houle , par petit temps . Nous aimions tant sentir le bateau au mieux de son réglage avec les voiles bien bordées , lisses. Cette traversée était notre dernière, nous étions déjà mélancoliques alors que le rivage était encore loin devant .
Comme la vie était belle pendant ces navigations ou le temps semblait suspendu entre ciel et mer.
Ah que j’aimais ces voyages qui nous sortait immédiatement de la routine ronronnante vécue à terre.
A bord de Cuba libre 6 , nous devenions des aventuriers, des explorateurs aux yeux bien ouverts , vivants.
A la vente du bateau , j’ai su que nous redevenions de simples terriens , fini l’extravagance.
Je me souviens de nos larmes communes lorsque les nouveaux propriétaires ont largué les amarres, bon vent !
Alors nous avons tourné le dos au quai, repris notre route à pied ,main dans la main.
Valérie Berger
Je me souviens le sel sur ma peau, dans mes yeux, dans mes cheveux blonds et ondulés
Je me souviens de mes petits bras et mon dos musclés à force de ramer jusqu’au sommet
Je me souviens mon assurance face a la force de la mer, mon esprit sûr de lui
Peu importe la hauteur du mur ou la brûlure de la saumure ou du soleil au dessus
Peu importe les heures à attendre, les matins aux aurores ou l’incertitude des profondeurs juste en dessous
Plonger jouer sauter glisser monter descendre observer entendre sentir goûter tomber ramer rigoler chanter griffer caresser planner
Vague mousse planche soleil corail spot pic mouvement vent sable nuage plage rocher ciel cailloux eau sel
Je me souviens les sensations, l’immersion, le calme et l’adrénaline que je n’ai d’ailleurs pas retrouvé ailleurs
Je me souviens : l’enfant sauvage pensait que ça ne s’arrêterait jamais puis l’adolescente errante terrifiée d’être jugée
A décidé de tout arrêter, de tout oublier, devenir ce qu’on attendait d’elle pour ne plus penser
Je me souviens, et ça me manque, j’en veux encore, l’océan m’appelle, il est temps de répondre
Zoé Ravet
Je me souviens- naissance amour jazz- mai soixante huit- fac de Lyon occupée- nuit- un saxophoniste joue.
Je me souviens sur l’herbe, la peau de serpent. Ma sidération éclate en cascades de frissons.
Je me souviens des tapis de violettes et des faisans, parfois, pas vraiment sauvages, sur les pelouses.
Je me souviens de l’odeur encore écœurante du café au lait matinal de mon grand père.
Je me souviens en voiture des tables de multiplications par cœur, mon frère, lyrique, clame Victor Hugo.
Je me souviens, les enfants des circassiens scolarisés épisodiquement avec nous-époustouflés-de-leurs-prodigieux- jonglages-colorés.
Je me souviens du parc, odeur envoûtante des Seringas, soleils des Forsythias, Arbre de Judée rose protecteur.
Je me souviens de mes premiers émois amoureux, secrets, jamais divulgués. Pourquoi cette pudeur ? Parole dangereuse
Je me souviens de ma sensation de premier matin du monde : océan, sable, ciel, soleil…l’extase.
Je me souviens ces temps d’angoisse enfant/ adulte, maladie, mort, peur, chômage, et maintenant ces guerres…..
Je me souviens jeune maman, je cherche assurance auprès des Amis, de la Nature, des Arts.
Je me souviens de son sourire ravi, comblé, heureux pour un petit cadeau choisi. Elle était hospitalisée.
Je me souviens de ma rage à skier enfin vite car les copains débutants se lancent direct.
Je me souviens de mon inquiétude constante pour chaque membre de la famille. Ai- je vraiment changé ?
Je me souviens de ce besoin irrépressible à la Maternité : toucher ma fille qui vient d’accoucher.
Je me souviens d’émerveillement poétiques : mes petites filles dansées par leurs musiques, grâce des corps-oiseaux.
Je me souviens des » tableaux vivants » joués par les cousins adultes et de nos » théâtres » d’ enfants.
Odile Germain
Je me souviens des villages provençaux perchés en haut des collines murs de pierre et ruelles escarpées.
Veillant jalousement les champs de lavandes vêtus de violet au parfum enivrant accompagnés du chant des cigales.
Le soleil s’invitait toute la journée ensoleillant le cœur des provençaux et faisant chanter leur accent.
Les danseurs main dans la main pas cadencés sautillaient en dansant la farandole au son des tambourins.
Je me souviens de cette époque joyeuse de mon enfance ou insouciance et rires nous rendaient heureux.
Marie Claire Sanchez Moreno
Je me souviens du passé raconté aux contours lointains approprié comme l’histoire d’une enfance fantasmée.
Je me souviens de cette liberté, énergie d’une adolescence, aux envies de goûter, aux frémissements grandissants.
Je me souviens d’une rencontre nous liant à jamais avec une évidence assumée,
Nous sommes prêts.
Je me souviens qu’il s’est ouvert avec l’ intensité d’un cœur débordant de chaleur.
Je me souviens lui avoir confié mes envies d’harmonie et mes rêves de vie de simplicité.
Je me souviens de la part belle aux impossibles et du pied de nez aux nuls jamais.
Je me souviens qu’un plus un c’est important mais pas toujours suffisant, Quelle belle idée !
Je me souviens qu’elle est enfin arrivée, si frêle et fragile ma petite fleur d’hiver
Je me souviens des premiers…
Liste de vie effrénée, jamais terminée, pour déjà son passé lui raconter
Je me souviens que deux plus un c’est joyeux, peu reposant
Mais est-on assez fatigué ?
Je me souviens d’un nouvel équilibre, d’une complicité jamais égalée , fleur de printemps déjà éclose
Je me souviens du temps auprès d’eux passé, jamais compté, toujours savouré, des cris de rire
Je me souviens des défis de la vie
Chemin croisés et voyages partagés, pour une aventure infinie
Je me souviens de la rapidité, de ce rythme cadencé, de l’envie de ne rien manquer
Je me souviens du moment où je les ai regardé, photo de famille mentale, souvenir bien rangé
Je me souviens que l’amour est cultivé dans les bassins de simplicité , bercé par l’humilité
Je me souviens que c’est mon présent , précieux bouquet de je t’aime : voilà ma famille.
Sophie Louis
Je me souviens avoir perdu la mémoire au moment précis où le réel n’était plus supportable.
Je me souviens, les mots refoulés ressurgissent toujours, surtout les fourre-tout qui ne vont nulle part.
Je me souviens du chasseur ambitieux qui n’est pas coupable si le gibier affamé le dévore.
Je me souviens, il m’a dit que je n’étais pas vieux mais une grande personne.
Je me souviens que les silences entre les mots sont aussi importants que les discours trop bavards.
Je me souviens du crime commis hier, était-ce par passion, par rancœur ou pour l’argent ?
Je me souviens qu’il est difficile de répondre à des questions qui n’ont aucun sens.
Je me souviens que nous émettons des hypothèses est moins subtilement dit que si nous les émiettons.
Je me souviens d’une évidence, rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme.
Je me souviens des nombreuses personnes qui ont des projets mais combien vont arriver à les réaliser ?
Je me souviens, notre rôle n’est pas de changer le gens même ceux que nous aimons.
Je me souviens de nos disputes inutiles, se taire, écouter ne sont pas des actes de soumission.
Je me souviens que tout ce qui est fait pour nous, sans nous, est fait contre nous.
Je me souviens, il disait le soupçon sans le doute, c’est un complot ou une arnaque ?
Je me souviens, le rêve est une activité esthétique, un jeu d’imagination, ne me réveillez pas.
Je me souviens, si on ne sait pas qui on est, par quel chemin commence notre histoire ?
Je me souviens que moi aussi j’ai été jeune et bête comme toi qui m’écoutes.
Renaud B.
Souvenir édulcoré d’un été 68
Je me souviens les bancs de la fac, les banderoles, les manifs « l’imagination au pouvoir ».
Je me souviens de cet été où nous avons décidé de tout quitter, tout laisser derrière nous.
Je me souviens que nous avons fermé la porte à clé et que nous l’avons balancé loin.
Je me souviens que nous étions jeunes, blonds, irréfléchis et aventureux ; nous n’avions peur de rien.
Je me souviens que nous sommes partis dans ta toute petite voiture rouge avec le toit ouvrant.
Je me souviens qu’il faisait chaud et que j’avais une robe fleurie. Tu avais ton chapeau bleu.
Je me souviens qu’on a promis de ne jamais vivre comme nos parents ; la liberté toujours.
Je me souviens la mer bleue, le sable chaud et le soleil à midi. Est-ce qu’on s’aimait ?
Je me souviens les mots de grec que nous avons essayé d’apprendre et toutes ces nuits étoilées.
Je me souviens de la tente montée péniblement, les nuits passées dessous, sens dessus-dessous, les grasses matinées.
Je me souviens des bains de mer de minuit, ton corps blanc, brillant au clair de lune.
Je me souviens les chemins qu’on ne trouvaient pas, les disputes, les rigolades et les retrouvailles.
Je me souviens que nous avons tout laissé derrière nous. L’été était fini et nos rêves aussi.
Je me souviens que nous sommes rentrés, le goût amer dans la bouche. La vie nous rattrapait.
Je me souviens la clé balancée loin, plus de maison, finie la liberté, retour chez papa maman.
Je me souviens des jours heureux, je ne pleure pas. Je sens le soleil sur ma peau.
Je me souviens, suis vieille maintenant, tu n’es plus là ; plus de plage sous le pavé.
Rosemarie Debray, mars 2025
Je me souviens ; les souvenirs sont comme des étoiles au firmament de ma mémoire, privilège de l’âge.
Je me souviens d’une enfance heureuse à une époque où l’on ne parlait pas encore de ruralité.
Je me souviens des bulles fumantes et parfumées éclatant à la surface du confiturier ; gourmand souvenir.
Je me souviens des blouses grises, de la craie, des taches d’encre violette et des plumes sergent-major.
Je me souviens du vacarme infernal des locomotives à vapeur et de nos visages maculés de suie.
Je me souviens de mon premier amour platonique, à l’âge tout paraît simple et libre de complications.
Je me souviens, c’était un cheval blanc, appelé mouton, il est mort cette nuit, j’avais dix ans.
Je me souviens certes, mais les nombreux carnets remplis au fil du temps sont des aides précieux.
Je me souviens de la merveilleuse ronde d’Orion et de Cassiopée dans le ciel de nos bivouacs.
Je me souviens des jours de pluie en refuge, passés à « taper » le carton et le baromètre.
Je me souviens du bonheur indicible partagé avec mes compagnons de cordée, mais aussi de nos échecs.
Je me souviens des lieux secrets de nos montagnes : arêtes, vires, fissures, surplomb, dièdres et sommets.
Je me souviens, au terme de l’effort, de la sublime griserie éprouvée sur le toit de l’Europe.
Je me souviens des évènements du monde qui ont à jamais marqué le siècle et ma vie.
Je me souviens du regard triste et attachant des enfants de Beyrouth, de Sarajevo et de Kaboul.
Je me souviens des jours heureux, les miens et tous ceux qui enchantèrent le monde. Carpe diem.
Je me souviens, c’est bien, mais je sais que c’est de l’instant présent que naissent les souvenirs.
André Bouisson
Je me souviens du chaud qui rassurait mes plantes tassées dans la touffeur des longues soirées d’été
Je me souviens de tes mots dans le vide jetés à des oreilles absentes qui étaient fatiguées
Je me souviens de tes consolations lorsque mes yeux rougis pleuraient dans ton revers de col avachi
Je me souviens de tes ronds de cabri jambes par-dessus tête dans les prés qui vrombissaient d’insectes
Je me souviens de ces tables de fêtes où trônaient des bouquets odorants de jonquilles et violettes
Je me souviens de ces hivers mordants qui pendaient aux craquantes toitures alourdies par leur charge blanche
Je me souviens de nos éclats de rire qui chahutaient les flots bousculés entre deux pierres dressées
Je me souviens de ton corps endormi qui s’était dévêtu sans bruit dans l’espace des tes rêves
Je me souviens des surprises dispersées en pyjama pantoufles et cheveux batailleurs les matins embrumés de Noël
Je me souviens de ta voix qui me dit ton amour de père l’hiver de ta mort
Je me souviens de nos disputes brusques et empourprées tel un tsunami qui déverse son destructeur trop-plein
Je me souviens des nuages en mélange de gris qu’on regardaient courir sans crainte de la pluie
Je me souviens de cette chapelle enfouie dans un creux de vallée moussue où nous marchions crottés
Je me souviens de ces feux braillants du carnaval qui engageait des rondes de masques à grimaces
Je me souviens trembler au bord des escaliers ou à l’entrée des ruelles quand il faisait sombre
Je me souviens des genoux écorchés quand mon vélo tombé je me retrouvais à terre sans souliers
Je me souviens de tant de folles danses qui empourprent le cœur et nous mettent en mélange
Véronique Pédréro
Je me souviens de la poussière épaisse dégagée par la batteuse dans le soleil couchant de juillet
Du bruit assourdissant de la machine, de la sueur des hommes portant les sacs lourds de blé
Du piétinement des chevaux dans l’écurie dégourdissant leurs pattes fatiguées d’avoir tiré le lourd tombereau
Je me souviens de l’odeur du pain reposant dans les catoires, leur croûte comme des sillons
Du cycle de la vie, de la semence, de la récolte, du travail harassant, du pain quotidien.
Claire Deroeck
1. Je me souviens que la lumière orangée caressait subtilement tes épaules frêles , tel un léger voile transparent.
2. Je me souviens être allongée, j’avais 4 ans , j’étais vivante, le vasistas était demi ouvert.
3. Je me souviens avoir hurlé de joie, lorsque , dans le combiné, ta voix a dit : Réussi, bravo !
4. Je me souviens que je ne me suis pas retournée cette fois, tu avais organisé la fin.
5. Je me souviens avoir marché longtemps , au hasard, les pierres roulaient sous mes pas, les feuilles bruissaient.
6. Je me souviens du bruit de la rame qui fend l’eau, du chant de la mangrove.
7 . Je me souviens de mon cœur qui martèle mes tempes, je voudrais que demain arrive rapidement.
8. Je me souviens de l’éclat gris de ma bague, le froid hivernal et la chaleur ressentie.
9. Je me souviens de l’odeur du mimosa, ton souffle dans mon cou, tes mains agrippées aux miennes.
10 . Je me souviens de mots pesants, de tes maux envahissants et de t’avoir dit : stop maintenant !
11. Je me souviens de l’odeur des pages qu’on tourne, des mots aériens qui surgissent soudainement.
12. Je me souviens de la gazinière bleue, et l’odeur fraîche et acidulée de la sauce tomate.
13. Je me souviens de l’odeur de café, celle des croissants chauds, gras, l’enfance évaporée, endormie.
14. Je me souviens de toi chantant, des mélismes mélodieux au rythme de la vieille Singer à pédale.
15. Je me souviens, parfois d’avoir rêvé, souvent d’avoir eu envie, quelquefois d’avoir été déçue.
16. Je me souviens que la tempête a fait place au silence, les éclairs ont éteint sa colère.
17. Je me souviens que je ne me souviens plus, de rien, de tout, c’est mieux ainsi.
Vannelle Frau
Je me souviens de cette angoisse si profonde qu’elle aurait pu noyer chacun de mes désirs.
Je me souviens de cet abîme sans nom, plongé dans le noir, dans lequel j’étais projetée.
Je me souviens de cette honte qui s’enroulait autour de ma gorge et qui serrait lentement.
Je me souviens de ce grand vertige, alors que mon monde intérieur vacillait devant mes yeux écarquillés.
Je me souviens de ce déni auquel je m’accrochais si désespérément, qui s’écroulait avec toi.
Je me souviens de ton sourire, de mes défenses acérées, des tempêtes qu’il déchaînait en moi.
Je me souviens du relent nauséabond de valeurs qui me criaient que c’était mal, interdit, sale.
Je me souviens de la joie d’être à tes côtés, que j’avais refusé d’assumer.
Je me souviens de ta patience, face à l’orage de mon tourment, de ton calme inébranlable.
Je me souviens que j’avais tant vécu à côté de moi-même que j’étais perdue.
Je me souviens que j’ai préféré avancer dans ce puits sans fond, plutôt que me retrouver.
Je me souviens du désespoir qui m’a submergée, alors que je choisissais de refuser un « nous ».
Je me souviens du sommeil si sombre après avoir renoncé à toi, puis ce réveil en sursaut.
Je me souviens de cette voix qui chuchotait plus fort que mes doutes, que je t’aimais.
Je me souviens qu’elle m’intimait de ne pas sacrifier mon bonheur en suivant leurs erreurs.
Je me souviens du brouillard qui enfin reculait dans mon cœur, de cette lumière salvatrice qui revenait.
Je me souviens de ce choix et de la sérénité qui m’habite depuis, à tes côtés.
Esther Liautaud
Je me souviens des nuits d’été aux senteurs des jasmins, assises dehors à écouter les histoires.
Je me souviens du premier jour d’école en France, interminable, insupportable, brouhaha de sons sans mots.
Je me souviens de Mr Chassagne venu chez nous pour installer la télé, ça plane pour moi !
Je me souviens de la colline, et nos glissades sur sa pente calcaire, véritables bolides sur cartons.
Je me souviens du long manteau en cuir rouge carmin brillant que j’ai détesté porter adolescente.
Je me souviens de la semaine blouse carreaux rose et blanc, carreaux bleus et blancs, semaine suivante.
Je me souviens de mai 68 où je collectais les tracts politiques consciente d’un moment historique.
Je me souviens de la fenêtre de ma chambre d’étudiante avec vue sur la Sainte Victoire.
Je me souviens de l’alphabétisation à La Pioline, cité de transit aixoise, ouverture sur un ailleurs.
Je me souviens de RKS première radio libre grenobloise, une radio locale multiculturelle, c’était en 1981.
Je me souviens du générique « Olé » de Coltrane qui embarquait tous mes auditeurs aficionados de l’Espagne.
Je me souviens de notre arrivée ici, réveillée avec le chant traditionnel « Le joli mois de mai ».
Je me souviens de Zidor, notre voisin, ancien résistant, des moments de convivialité autour de sa fontaine.
Je me souviens des soirées familiales du dimanche soir repas plateaux devant la télé pour « Ça cartoon ».
Je me souviens de la brique devant une maison montréalaise en démolition, aujourd’hui sur mon bureau.
Je me souviens de l’irruption du COVID dans nos vies, des peurs engendrées, des cassures inédites.
Je me souviens de tant de paellas cuisinées pour des temps partagés, pimentés de mots et de rires.
Elvire B.
Je me souviens du papier peint orange de ma chambre d’adolescente et de l’abat-jour orange.
Je me souviens du bal dans la grange d’André le jour de la fête du village.
Je me souviens du grenier où je montais me réfugier pour lire, pour rêvasser, et pour pleurer.
Je me souviens des cris de Jeanne notre voisine quand son fils Elie est mort en Algérie.
Je me souviens du voleur de bicyclette, du guépard, de Rocco, du grand Zampano et de Joselito.
Je me souviens de la cour d’école, 1, 2, 3, soleil, je cherche la clé de St Georges.
Je me souviens du robinet où j’allais remplir les bouteilles de vin à la cave pour pépé.
Je me souviens de la grange, du foin, de l’échelle, de l’odeur, du coucher de soleil.
Je me souviens de la messe de Pâques avec ma nouvelle robe, la même que ma sœur.
Je me souviens du dortoir le soir, la pionne écoutait Jean Ferrat « que c’est beau la vie »
Je me souviens de ma robe verte le jour de la distribution des prix, j’avais honte.
Je me souviens de la chambre sous les toits aux Glaciers, après la soirée « Au petit chamois ».
Je me souviens du buffet de la gare, je t’attendais et puis le quai des au revoir.
Je me souviens du chemin qui allait de ma chambre au restauU et de celui jusqu’à ta chambre.
Je me souviens de mémé qui a dit à maman en soupirant « ils nous manquent les hommes ».
Je me souviens de mes sœurs, la grande, la petite, la terrible, la maniaque, on était cinq.
Je me souviens de mémé, de pépé, de tonton, de papa, de maman, et de nous cinq.
Noëlle Roth
Je me souviens, il est entré… lentement, le dernier, il m’a regardée… j’avais treize ans !
Je me souviens, les flamboyants paraissaient pourtant si beaux… coup d’État, balle perdue, mort tellement absurde.
Je me souviens d’un vilebrequin trouant le volet, intrigant, vraiment, ce pauvre dentiste recherchant son amant !
Je me souviens de la légèreté des roseaux bercés par le vent marin… de leurs ombres dansantes.
Je me souviens des Sapeurs congolais, outrancièrement » sapés « , superbes, inspirés par le très chic Savorgnan de Brazza.
Je me souviens… vingt ans… Grand Théâtre de Bordeaux… robe longue, poulailler… les notes envoûtantes de Michelangeli.
Je me souviens avoir échafaudé un plan-réveil uubuuuesque et…manqué LE rendez-vous avec la lune !
Je me souviens d’une consigne très stricte, ne jamais appeler ces hommes » les Noirs » – Brazzaville 1966.
Je me souviens : nuit lugubre foule dans la nuit enfant terrifiée dans la foule, Tremblement de Terre.
Je me souviens de cette expérience téméraire, » Retournement d’un pot de moutarde sur table endimanchée « … eurêkaaaaïe !!!
Je me souviens de ce plaisir à porter d’élégants chapeaux, si capricieux dans le vent frivole.
Je me souviens, hallucinant ! cette folie humaine, le but en or de Trezeguet…hurlements à l’unisson.
Je me souviens combien l’oseille dans mon jardin en plein soleil près des groseilles faisait merveille.
Je me souviens d’une cuisine irlandaise simple mais exquise, digne de nos étoiles… offrande aux épicuriens.
Je me souviens, gente demoiselle, Dans vos yeux une étincelle
Quand vous chantiez la ritournelle » Belle, Belle…
Je me souviens de Prune, fragile… qui m’a prêté son âme l’espace d’un moment.
Je me souviens… un arc-en-ciel si grand qu’il éclairait le monde, c’est vrai !
Geneviève PROTIN
Je me souviens du latin, j’y crois pas, rosa rosa rosam rosae rosae… merci Grand Jacques !
Je me souviens… Pink Floyd Hide Park 1969, Set the controls for the heart of the sun.
Je me souviens avoir campé, amoureux, dans un champ de tir en Bavière, pas lu la pancarte !
Je me souviens de quenelles aux morilles, de fromage blanc noyé de mirabelle, de cassolette de truffes…
Je me souviens du réveillon 2000, pas de Fin du Monde, dommage, on aurait pu recommencer, non ?
Je me souviens de sa silhouette tout là-haut, son rocher dévalant, condamné à recommencer, à jamais.
Je me souviens d’elle, je la suivais, sentant qu’elle avait des yeux derrière la tête.
Je me souviens de moi, pas vraiment certain que je sois celui dont je crois me souvenir.
Je me souviens que ma cousine avait une sainte horreur de Bécassine, cela me semble bien normal.
Je me souviens Ils étaient plantés devant l’Eurovision, moi pendant ce temps, solitaire, je lisais Murakami.
Je me souviens qu’il fallait cliquer sur démarrer pour éteindre son ordinateur, quid pour le démarrer ?
Je me souviens encore un peu de tous ces mots que j’oublierai sûrement de te dire.
Je me souviens qu’il pleurait dru sur la ville et que toi tu pleuvais pour rire.
Je me souviens il avait hésité entre corde et pétoire mais fini par opter pour la plume.
Je me souviens du silence abyssal du début, pas vraiment pressé de savourer celui de la fin.
Je me souviens d’un air de rien qui prend la tête, la vide et nous enchante.
Je me souviens y avoir vécu, avoir croisé le mamba vert, les mangues, mais hélas pas Tintin.
Eric PROTIN
Je me souviens du regard inquiet de notre mère sentant pointer l’aube de notre adolescence fragile.
Je me souviens du plaisir éprouvé en regardant mes parents valser au son joyeux de l’accordéon.
Je me souviens de mes angoisses de mort qui, à la sortie de l’enfance me terrorisaient.
Je me souviens du grisant parfum des lilas sous lesquels je lisais pendant les vacances de printemps.
Je me souviens de mes révoltes d’adolescente que j’épanchais le soir dans mon journal intime.
Je me souviens du regard fasciné des enfants à l’écoute des histoires d’un merveilleux conteur.
Je me souviens de la fraîcheur du torrent et des cris des enfants s’aspergeant en riant.
Je me souviens de cette nuit étoilée où allongés dans l’herbe nous guettions les étoiles filantes.
Je me souviens de l’odeur des foins qui piquaient nos gambettes en haut de la charrette.
Je me souviens du goût délicieux des confitures de framboises cueillies en montagne que maman confectionnait amoureusement.
Je me souviens des piles de cahiers sur l’estrade près des Paraboots de la maîtresse.
Je me souviens des bains de mer , bouche salée, doigts fripés, cheveux poisseux ! Quelle joie, quel Bonheur !
Je me souviens des balades nocturnes à cheval : le cri de la chouette, le bruit des sabots.
Je me souviens du son du violon de ce voisin allemand resté en France après la guerre.
Je me souviens des parties de corde à sauter , de marelle dans la cour de l’école.
Je me souviens des fous rires qu’il fallait retenir en classe ou à table.
Mission impossible !!
Évelyne Creux
« Le Jardin de mon enfance »
Je me souviens de notre jardin où, alors que nous étions enfants, nous enterrions nos petits chats,
Je me souviens que nous décorions les tombes de cailloux et de fleurs ramassés par ci, par là.
Je me souviens de bains moussants pris dans la lessiveuse, une fois les draps retirés et étendus,
Je me souviens de nos éclats de rires, gesticulations, cris, de notre bien être, corps, âmes éperdus.
Je me souviens des jeudis où nous découvrions les grenades apportées par grand-mère, moments curieux, moments heureux,
Je me souviens qu’avec mon frère, nous en décortiquions les grains, les écrasions en un jus délicieux !
Je me souviens de cette petite enfance avant qu’elle ne soit troublée, emportée dans un autre lieu,
Je me souviens de ce point de bascule qui m’a transporté dans un ailleurs, sans un adieu.
Je me souviens du buffet de mes grands-parents au parfum vanillé dès que j’en entrouvrais la porte,
Je me souviens , tout mon corps imprégné par cette senteur, venant et m’emportant jusqu’à l’île de Madagascar.
Je me souviens encore, elle n’a cessé d’être présente, cette envie de voyager, de port en port,
Je me souviens si bien que j’ai souvent déménagé, en cheminant, ce n’est certes pas un hasard !
Je me souviens des différents lieux, paysages, qui m’ont accompagnés. Aujourd’hui, c’est ce lieu là qui m’habite.
Je me souviens de cette recherche soutenue, empruntant des sentiers nouveaux, à l’aventure, d’une nature qui s’invite.
Je me souviens de petits mots laissés dans les boîtes aux lettres des habitants de ce hameau
Je me souviens de cette rencontre qui orienta notre choix d’une façon déterminée, accro et écolo, coquelicot !
Pascale Sauzy
Je me souviens de cette pâle lumière qui doucement pénétrait par la petite fenêtre aux rideaux jaunis.
Je me souviens de la glycine mauve grimpant avec élégance le long de l’escalier en pierres.
Je me souviens du parfum délicat et subtil de cette glycine qui chatouillait mes petites narines enfantines.
Je me souviens du bourdonnement joyeux des abeilles qui butinaient goulûment le nectar sucré des grappes odorantes.
Je me souviens des platanes, sentinelles au garde à vous, bordant la longue route conduisant au village.
Je me souviens précisément du Tut-tut pouet-pouet annonçant l’arrivée de l’épicier le jeudi.
Je me souviens du beau visage souriant de ma grand-mère, ses cheveux blancs noués en chignon.
Je me souviens du goût exquis et inimitable de son poulet à la crème façon Georges Blanc.
Je me souviens de la broche dorée qui fermait pudiquement son chemisier pour cacher sa poitrine généreuse.
Je me souviens encore du bruit du Solex qu’elle a longtemps chevauché pour ses escapades dominicales.
Je me souviens de l’odeur incomparable des premières pluies d’été sur les foins fraîchement coupés.
Je me souviens de la cour de mon école maternelle jonchée de feuilles mortes à chaque rentrée.
Je me souviens du plaisir que nous éprouvions à fouler de nos petits pieds ces feuilles colorées.
Je me souviens de la plume qu’on trempait maladroitement dans l’encrier pour remplir nos cahiers.
Je me souviens aussi de notre enthousiasme pour les leçons de choses qui nous apprenaient la vie.
Je me souviens de tous ces moments précieux, ces parfums fleuris, ces bruits doux de l’enfance.
Je me souviens de toutes ces fenêtres sur le monde que j’ai ouvertes ou parfois refermées.
Françoise Boyat
Je me souviens d’une mèche de tes cheveux soyeux d’enfant gisant dans un cœur miniature serti d’or
Je me souviens de tes pas hésitants sous tes jambes flageolantes quand tu voulais attraper mes mains
Je me souviens de cette photo où tes yeux écarquillés buvaient toute la lumière du ciel immense
Je me souviens de toi comme l’éternelle enfant blottie pour l’éternité dans l’écrin de ma mémoire blessée
Je me souviens de toi devenue immobile minuscule retenue sur un lit de coton blanc sans suite
Je me souviens de mes aiguilles cliquetant sans relâche des mailles serrées pour endormir ta vive frilosité
Je me souviens de ton visage lunaire qui s’amusait d’un moins que rien dans la nature bruissante
Je me souviens du grand vide noir de l’absence à laquelle nous ne voulions pas nous résoudre
Je me souviens de ta venue soudaine sur terre au cœur du printemps où tout nous enchantait
Je me souviens des jours d’anniversaire où l’on piquait des feux numérotés sur le dos d’un gâteau
Je me souviens de tes mains marionnettes qui dansaient en plein vol devant tes yeux grands ouverts
Je me souviens des plaisirs envolés quand l’enfance se défait de ses étonnements tombés dans le silence
Je me souviens des mots inattendus que tu lâchais soudain sans retenue dans une salve de souffle
Je me souviens de tes brusques colères effacées par tes éclats de rire qui apportaient le pardon
Je me souviens des endormissements où tu te blottissais pour repousser tes craintes tassées dans la nuit
Véronique Pédréro
Je me souviens du premier jour où j’ai réussi à faire du vélo, une vraie fierté !
Je me souviens du jour où nous a été livrée notre première télévision en couleur, une révolution !
Je me souviens des arbres qui nous saluaient sur la route qui nous ramenait à nos racines.
Je me souviens des câlins avec ma grand-mère, blottie dans ses bras chaleureux, au coin du feu.
Je me souviens de l’étroit escalier fait de tommettes menant aux étages et desservant les chambres.
Je me souviens de l’admiration pour ma grande sœur à laquelle je voulais ressembler, rassurante, inspirante.
Je me souviens des jeux partagés avec mon frère et de notre complicité grandissante à l’adolescence.
Je me souviens du gâteau à l’orange confectionné pour régaler le Père Noël à son passage.
Je me souviens des batailles ardues à celui qui aurait le plus de pâte à gâteau roulé.
Je me souviens d’un quarante-cinq tours, offert par surprise, joie sur nos visages enfantins, bonheur simple.
Je me souviens des classes primaires où j’ai soudé une vraie belle amitié encore présente aujourd’hui.
Je me souviens de l’adolescence, transition pas toujours facile, mais ouvrant la porte de nombreuses découvertes.
Je me souviens de l’originalité de notre mariage double réunissant trois familles : Espagne, Finlande, et France.
Je me souviens de notre lutte pour avoir un enfant, efforts récompensés, reconnaissance à la vie, merci.
Je me souviens du mariage de ma fille, parenthèse enchantée, bulle de bonheur, moment hors du temps.
Je me souviens des soixante ans de mariage de mes parents, preuve d’un attachement durable, certain.
Je me souviens de mes vingt ans et de l’illusion d’avoir la vie devant moi…
Delphine RAMOS
Je me souviens de toi, de nous et de toutes ces belles choses vécues ensemble, belle performance
Je me souviens de ces chambres d’hôtel parfois luxueuses, parfois glauques ou sordides, ensoleillées ou mornes
Je me souviens de tous ces trajets en avion, à pied, à cheval, à moto, en jeep ,
Je me souviens de toutes ces régions traversées, cette immensité, et cet horizon à perte de vue
Je me souviens de la steppe verdoyante parsemée de petits points blancs, yourtes mongoles, un habitat partagé
Je me souviens encore de ces marches vers l’infini, cette impression de faire du sur place
Je me souviens de ce camp de réfugiés tibétains, de notre rencontre incroyable avec cette famille extraordinaire
Je me souviens de leur maison en torchis à peine plus grande qu’un mouchoir de poche
Je me souviens du papa, sa longue tresse de laine rouge emprisonnée dans sa chevelure de Khampa
Je me souviens de leur cadeau qui m’a fait pleurer, comment donner quand on a rien !
Je me souviens de nous bienfaiteurs anonymes, dans une jeep surpeuplée, en route vers le village partenaire,
Je me souviens de la danse de nos porteurs au sommet du Kyangin Ri, leur joie communicative
Je me souviens des heures sur la moto, les paysages contrastés deTurquie, les rues de Santorin,
Je me souviens de notre randonnée à cheval pour saluer les tsatsans et finir dans leur tipis
Je me souviens de nos séjours en terre connue, sans traducteur, dans des campements de nomades mongols
Je me souviens de ces nuits passées, un bus aux fenêtres brisées, une tente dans la tempête
Je me souviens de tout, ces rencontres improbables, comme cet araméen, nos amis tibétains, népalais, vietnamiens, mongols,
Rosemarie CHAZAY
Je me souviens de nous six tassés entre les bagages, musique embarquée, en route pour le réveillon.
Je me souviens de cette après-midi où le soleil brillait, le ciel bleutait et les oiseaux chantaient.
Je me souviens de cet après-midi où on a joué à Détanque tous ensemble, il faisait chaud.
Je me souviens des frisbees qui volaient, du sable qui piquait et de la mer qui dormait.
Je me souviens avoir joué à Subterra pour le nouvel an à trois kilomètres de l’océan.
Je me souviens de ces vacances à la mer tous les six, c’était super cool, voilà.
Je me souviens la montagne, tracter le vent frais, pas manquer d’air : êtres barrés sans bateau.
Je me souviens de cette bonne fondue que nous avions mangée au chalet de Rochassac au Trièves.
Je me souviens de cette balade, on avait dormi dans une cabane où le toit allait s’envoler.
Je me souviens de la piscine gelée en plein été d’où on ressortait tout bleuis.
Je me souviens de cette partie de Top10, où les bouées canard violette fluo revenaient très souvent.
Je me souviens aussi que lors de cette après-midi, nous étions allés les chasser de la notre.
Je me souviens de jouer aux gens géniaux du Latoud, mains dans la terre, planter des arbres.
Je me souviens de cette après-midi passée ensemble où nous nous étions amusés comme des petits fours.
Je me souviens de cette piscine non chauffée où nous nous sommes jetés pour ressortir juste après.
Je me souviens d’oublier les luges, oublier les gants, perdre le nord, pas les enfants.
Je me souviens qu’après-ça on les avait fait cuire et offert à notre ami préféré.
Je me souviens de cette chose étrange et bizarre et dont je ne me souviens plus, Fin.
A six assis s’écrient Mathieu Reynaud
Je me souviens de cette musique de Queen qui envahissait le foyer pour nous réveiller chaque matin
Je me souviens du goût subtil du chocolat au lait juste tiédi, préparé au litre par Maman
Je me souviens de nos éclats de rires lorsque nous enregistrions nos publicités et émissions inventées ensemble
Je me souviens du stress des parties de cartes nocturnes, chacun assis au pas de nos portes
Je me souviens des innombrables histoires imaginées dans cette impressionnante maison de Barbie fabriquée par Tonton Slip
Je me souviens des vilaines guêpes que nous tentions d’éliminer dans les parpaings de la murette
Je me souviens des parties endiablées avec nos quatre manettes et des booms dans notre immense salle
Je me souviens des trajets dans le bus 64 pour éviter de prendre ce vieux scooter ringard
Je me souviens du feu que vous aviez initié malgré vous dans le champ d’en face
Je me souviens des frissons provoqués par les papouilles de Papa devant le début d’un film
Je me souviens des soirées étoilées couchés dans le jardin, à attendre de pouvoir formuler un vœu
Je me souviens de la voix douce de ma marraine et du regard tendre de mon filleul
Je me souviens des journées à jouer avec un tracteur et des cailloux chez Pépère et Mémère
Je me souviens des bisous synchronisés de Bon Papa et Bonne Maman qui nous rendaient vraiment uniques
Je me souviens de la difficulté de nos randonnées, balayée en un instant dès l’atteinte du sommet
Je me souviens des chansons d’Anne Sylvestre que nous chantions à tue-tête dans la voiture
Je me souviens d’avoir joué la maman pour vous, frères et sœur que j’aime fraternellement.
Virginie ESCOFFIER
Je me souviens du ressac de l’océan, des côtes sauvages où l’homme n’est rien.
Je me souviens qu’il fait toujours beau dans tes yeux quand, assise tu contemples la mer.
Je me souviens que tu étais tellement triste que l’herbe est restée couchée après ton passage.
Je me souviens que l’été a continué à jouer à l’été riant de ton chagrin.
Je me souviens des feux sacrés où tu chantais et jouais du tambour, nos âmes en communion.
Je me souviens tu as glissé ta colère dans l’enveloppe pour la jeter dans les flammes.
Je me souviens quand on a posé ton petit corps contre le mien, nous sommes éternellement reliés.
Je me souviens de nos dialogues silencieux, où seuls nos regards complices communiquaient, l’essentiel était compris.
Je me souviens de nos rires bouleversant le monde, j’espère que tu entends encore leurs échos.
Je me souviens avoir fermé ta chambre dorénavant vide car quand on aime on doit laisser partir.
Je me souviens d’un temps où tous tes mots ébréchaient mon cœur et embuaient mes yeux.
Je me souviens des millions de papillons qui s’envolaient de mon ventre en pensant à toi.
Je me souviens quand toi maman à la fin des repas familiaux tu te levais pour chanter.
Je me souviens de vous tous qui rendaient ma vie belle, je vous garde dans mon cœur.
Je me souviens de cette amitié joyeuse, bienveillante, ce qui se passe entre nous reste entre nous.
Je me souviens de vous qui n’êtes plus dans ce monde, c’est comment là-haut ?
Je me souviens cette plage Corse, un jour tu y déposeras mes cendres, ce sera mon Paradis.
Géraldine Jimenez
Je me souviens de l’uppercut brutal : mon grand-père avait quitté notre monde, son ombre errait au jardin.
Je me souviens : il faisait beau, mes parents jeunes et joyeux m’encadraient gaiement : un rêve merveilleux.
Je me souviens de la chaleur puissante du chocolat noir mangé en cachette, remède à la mélancolie.
Je me souviens de la fragrance de mon premier parfum offert , porte ouverte à l’âge adulte.
Je me souviens de la merveilleuse délivrance, naissance de mon premier enfant blottie frileusement contre mon flanc.
Je me souviens de l’odeur du café chaud ., premier rituel des vacances chez les grands-parents, bonheur inégalé.
Je me souviens de l’angoisse diffuse dans ce chemin mal éclairé : le bruit des pas de l’inconnu.
Je me souviens de mon premier baiser, tremblement heureux, signe du premier amour partagé, inoubliable et enfui.
Je me souviens du lagon, de l’île : à mes côtés nageait une paisible tortue ; le paradis était là !
Je me souviens du vagissement de l’enfant, première manifestation de son arrivée joyeuse dans notre tribu rassemblée.
Je me souviens de la tristesse brutale ; le départ de nos enfants creusait un vide partagé , douloureux.
Je me souviens du son puissant de l’orchestre, les vibrations polyphoniques ouvraient un nouveau monde en marche.
Je me souviens de l’éclat du soleil levant, ce nouveau jour portait mille promesses pour mon futur.
Je me souviens de la chambre vide, des jouets gisaient par terre, orphelins des enfants oublieux.
Je me souviens de la bicyclette gisant dans le bois, l’enfant en pleurs assis, oisillon blessé.
Je me souviens du sapin scintillant derrière la porte fermée, prémisse de jouets et de bonbons colorés.
Je me souviens de mon premier baiser d’adolescente, tremblement affectif, signe de l’Amour découvert, partagé et inoubliable.
Je me souviens de l’éclat du soleil levant : ce nouveau jour porte mille promesses pour l’avenir.
Françoise Morhain
Je me souviens des matins d’hiver quand la neige venait couvrir de blanc les champs endormis
Je me souviens des oscillations aiguës du thérémine qui vibraient dans la grande maison de mon oncle
Je me souviens de ce concert quand Léonard Cohen chantait à genoux devant un public en larmes
Je me souviens de cette vache brune que je promenais en laisse quand j’avais quatre ans
Je me souviens de cette photo colorée d’une famille heureuse dans un moment de simplicité joyeuse
Je me souviens de cet arbre qui tremblait parcouru d’un interminable frisson quand la hache frappa
Je me souviens des ombres qui grandissent le soir pour faire peur aux ténèbres dévorant la lumière
Je me souviens de cette île entre ciel et eau, une île à l’abri du chaos
Je me souviens de ce baiser si longtemps désiré et des draps blancs froissés au petit matin
Je me souviens de ce matin de novembre quand mon père chaussé de brodequins mal lacés tomba
Je me souviens du bruit sourd que fit notre chienne quand elle s’écroula à mes pieds
Je me souviens de l’odeur entêtante du jasmin dans ce jardin du sud de la France
Je me souviens des mains de papa, cireuses, amaigries sur les draps du lit de l’hôpital
Je me souviens des savoureux repas du dimanche que maman préparait avec amour dès le samedi soir
Je me souviens de cette piste de neige gelée que j’ai descendu à une vitesse folle
Je me souviens de ces mots durs injustes et blessants qui ont meurtri mon âme à jamais
Je me souviens de mon lycée et de ces nuits sans sommeil quand on refaisait le monde
Violette Chabi
Je me souviens comme c’était pittoresque les devoirs à l’ombre de l’amandier en fleur
Je me souviens des ronces, de la broussaille, des ruisselets asséchés et de la montagne quasi nue
Je me souviens des rails sur lesquels nous jouions enfants, et des wagons de marchandise qui filaient
Je me souviens des soirées à refaire le monde sur des chaises pliantes installées sur le trottoir
Je me souviens de l’époque où tu m’embarquais dans ta Fuego sur les chemins ardéchois
Je me souviens du onze septembre : nous fêtions mon anniversaire, le monde s’est arrêté de tourner
Je me souviens des cabines téléphoniques publiques dans lesquelles nous nous entassions à quatre pour nous réchauffer
Je me souviens du Minitel et de ses messageries roses qui empourpraient nos joues d’enfants malicieux
Je me souviens des cartes routières en papier toutes ondulées d’avoir trop chauffé sur mes genoux
Je me souviens du chien berger sur le calendrier Almanach des PTT qui trônait dans la cuisine
Je me souviens du bruit des photos qui sortaient des Polaroïd et de nos têtes après coup
Je me souviens du cordon du téléphone que j’entortillais dans mes doigts quand tu m’appelais
Je me souviens que sur la route des vacances nous franchissions « le canal du Rhône à sec »
Je me souviens de cette fille au collège qui m’a fait découvrir Les fleurs du mal
Je me souviens bien des heures passées à jouer à la corde à sauter dans la cour
Je me souviens de ces mois où nous avons porté des masques comme des super héros ratés
Je me souviens du gratin dauphinois que préparait maman, qui n’avait rien d’un gratin dauphinois
Anne Fabregoul
Je me souviens du tic-tac clignotant aussi emblématique que sonore de la « deux chevaux » de mon grand-père.
Je me souviens des quarante-cinq tours engloutis par mon « mange-disques » et le plaisir de les écouter.
Je me souviens d’un numéro de téléphone tracé sur la rosée d’une vitre de voiture.
Je me souviens des parties de ballon prisonnier qui nous rassemblaient dans la cour de mon école.
Je me souviens des images Sarah Key, trésors convoités, collectionnés, échangés, collés dans un album pour toujours.
Je me souviens de tes trois pas de danse pour me séduire dans une discothèque aujourd’hui détruite.
Je me souviens de ma sidération devant l’image continuelle des avions projetés sur les tours jumelles.
Je me souviens avec émotion de l’équilibre incertain et attendrissant de vos premiers pas d’enfant.
Je me souviens de ma fierté de petite danseuse classique sur la scène du Théâtre de Montélimar.
Je me souviens des bals estivaux au son du musette, au goût de « monacos » et de frites.
Je me souviens de petits déjeuners à la ferme foisonnants de pain, fromages, saucisson, œufs, noix, miel.
Je me souviens d’une pluie orageuse et soudaine inondant notre tente familiale dans un camping ardéchois.
Je me souviens de costumes en papier crépon, de danses enfantines sur l’estrade d’une kermesse.
Je me souviens des aventures du club des cinq, des enquêtes de Fantômette dans la bibliothèque verte.
Je me souviens du parfum d’amande de la colle « Cléopâtre » et des buvards voleurs d’encre.
Je me souviens de trajets dominicaux ponctués d’un arrêt rafraîchissant à l’eau d’une fontaine.
Je me souviens des dalles brisées par les racines des pins sur le chemin de la plage.
Myriam Finot
Je me souviens de mes premiers livres ; bibliothèque rose, puis verte, et du silence de la bibliothèque
Je me souviens de nos promenades familiales vers le petit aéroport de Grenoble, pas loin de Caterpillar
Je mes souviens de la chanson des bouteilles de lait se heurtant au rythme de mes pas
Je me souviens des skis à câble, des chaussures à crochets, des fuseaux inconfortables, humides et froids
Je me souviens des jeux imaginés pour digérer les interminables heures de voiture, dont reconnaître les départements
Je me souviens de ma première coupe de cheveux « à la Stone » faite par un vrai coiffeur !
Je me souviens des longues heures passées à admirer les hirondelles tournoyer dans un ciel parfaitement bleu
Je me souviens de la radio portative qu’on piquait à mon père espérant entendre « La Californie »
Je me souviens des blouses beiges du lycée que nous embellissions systématiquement de dessins au stylo bille
Je me souviens des voyages à 9 dans la 404 où nous chantions souvent à plusieurs voix
Je me souviens des Peugeot de mon père, 203, 403 familiale, 404 familiale, 504 familiale, puis berline !
Je me souviens de ma mobylette Motobecane orange avec sa grande selle noire biplace faite pour deux
Je me souviens du Glacier, notre bistrot préféré où nous étions sûrs de nous retrouver entre potes
Je me souviens de ma sœur tabassée au sol par un flic à cause d’« Histoire d’A. »
Je me souviens des gauloises bleues et des gitanes maïs que fumait mon amoureux de l’époque
Je me souviens des histoires de la rue Broca racontées par D.. sur la plage une nuit
Je me souviens des nuages se précipitant vers le Nord bousculés par un violent vent du Sud
Violaine Hollard
Je me souviens de Fanny Ardant, une cigarette à la main, me frôlant, me souriant en Avignon.
Je me souviens, son look hippies, elle sentait le Patchouli, portait des sandales compensées, un pull moulant.
Je me souviens que l’alcool nous a accompagnés toute la nuit, nos corps transpirant, collant, mouvants.
Je me souviens d’une chevelure dense et noire, d’une bouche dessinée, et des mains fuselés.
Je me souviens de ton pull-over, oublié enroulé autour de mon cou, et ton parfum enivrant.
Je me souviens de l’orage qui éclate, violent et fulgurant, des trombes d’eau sur moi.
Je me souviens dessiné au rouge à lèvres sur le miroir de la salle de bain : Merveilleux.
Je me souviens elle avait un joli débardeur blanc qui m’empêchais de voir sa nudité blanche.
Je me souviens de sa posture en tailleur sur la chaise, s’étirant le cou, le buste.
Je me souviens lui avoir caressé la joue, elle a esquissée un sourire avant de partir loin.
Je me souviens lorsqu’elle m’a dit, je ne t’aime plus, en articulant chaque syllabe.
Je me souviens mon cœur se nouant, mon sang battant, jusqu’à l’extrémité de mes doigts.
Je me souviens d’être au creux d’une vague et voir couler des larmes des sirènes.
Je me souviens d’une voix et musiques lointaines, anciennes, usées, comme venant d’un autre temps.
Je me souviens d’être habillé n’importe comment, avec une chemise orangée, un pull rose pâle.
Je me souviens d’être face à moi même, devant mon miroir, en écoutant cœur de pirate.
Je me souviens page 88, d’un poème d’amour, ou la grâce de la rencontre existait.
Richard Velasquez
Je me souviens une chambre d’hôpital, les carnets de Julie, ta voix douce, ton sourire triste.
Je me souviens le Stromboli, les parasols colorés, l’air doux et toi mon amour ; l’Italie
Je me souviens la souffrance, la nuit, tes cris, mon sein, ta chaleur, mon enfant.
Je me souviens l’effervescence, les encouragements, les crampes, la solitude, la fierté quarante deux kilomètres marathonienne
Je me souviens l’air doux, les sourires de nos proches un verre à la main, Avril.
Je me souviens des Kickers à mes pieds, jeune et mal assurée, une rencontre pour la vie, amies.
Je me souviens un mois de juin, une nuit claire, un feu d’artifice, des adieux, Julie
Je me souviens des retours de l’école, ton tablier, « Qu’est ce qu’on mange, mamie ? »
Je me souviens la boule au ventre, les infirmières prévenantes, la solitude, clinique psychiatrique.
Je me souviens de parties de ping pong au soleil, des amitiés éphémères, de me retrouver enfin.
Je me souviens de l’envie de te retrouver, la liberté d’être avec toi, l’amour amitié.
Je me souviens des petites nuits, du manque de sommeils et des crises de nerfs, mes amours.
Je me souviens la camaraderie, les verres de blanc au café, refaire le monde, mon bac L
Je me souviens mon livre de lecture, ta patience, ton amour sans jamais dire je t’aime.
Je me souviens de ce coup de foudre, cette évidence qui en est toujours une, l’automne.
Je me souviens de me trouver nulle, laisser glisser le stylo, ne plus réfléchir, les mots. Guérir.
Amandine Saadi
Je me souviens de ma grand-mère dans sa cuisine, le silence, le bruit de l’horloge
Je me souviens qu’on s’ennuyait ensemble, qu’on jouait au scrabble, qu’on se souriait.
Je me souviens du café réchauffé dans la casserole en verre jaune puis l’odeur de brûlé.
Je me souviens des baisers intenses qu’elle offrait à nos joues lorsqu’il fallait se quitter.
Je me souviens des oiseaux qu’on observait par la fenêtre et dont elle connaissait le nom.
Je me souviens du petit banc avec le coussin fleuri sur lequel elle s’asseyait pour téléphoner.
Je me souviens des chaussettes qu’elle nous tricotait pour l’hiver et que je porte encore.
Je me souviens aussi des journées chez mémé rythmées par le passage de mes oncles et tantes.
Je me souviens du salon rempli de fumée, recrachée par une tante et ses gitanes sans filtre
Je me souviens avoir eu peur de la tête de sanglier fixée au dessus de la cheminée
Je me souviens parfaitement du chenil, des grands chiens fous, des lapins, des poussins fragiles et chauds.
Je me souviens de la grande tablée de juin avec les cousins et des cerises à volonté
Je me souviens de mon oncle qui rentrait de la chasse et de l’odeur du gibier
Je me souviens de la pétanque, de la grange, des rires et des mogettes dans la cocotte.
Je me souviens du temps qui s’est arrêté le jour où ma grand-mère est morte
Je me souviens de son corps raide et blanc disposé dans la chambre pour la veillée funèbre
Je me souviens des larmes de mon père et des miennes mélangées, du bruit de l’horloge.
Ingrid Saumur
Je me souviens de ce jour d’août ensoleillé vers seize heures dans la descente Saint André.
Je me souviens que nous allions en ville, il y avait Eva, Line et Paul dans la poussette.
Je me souviens que je portais une robe à fleurs bleues, légère, de pas et de cœur.
Je me souviens t’avoir reconnu au bas du chemin, une laisse et un chien au bout.
Je me souviens de la gêne et l’émoi et des mots qui se bousculent en moi.
Je me souviens que tu viens d’avoir soixante ans et qu’un autre l’a formulé.
Je me souviens de nos échanges de numéros de portable, des chiffres, des zéro six du début.
Je me souviens m’être pressée à retrouver les miens qui se demandaient où j’étais passée.
Je me souviens du temps compressé, tout occupée que j’étais à gérer les vacances des enfants.
Je me souviens de ton message ce soir là, surprise de ce que tu ne disais pas.
Je me souviens d’espérer trouver quelques minutes et secondes de libre pour pouvoir enfin te répondre.
Je me souviens de l’attente, de l’impatience, du désir et du trac du rendez-vous.
Je me souviens de ce samedi, balade au Grand Ratz, visages sous paysage, thé en chemin.
Je me souviens de l’après-midi qui a suivi, café et piscine en jeté de lit.
Je me souviens que Nous c’était simple, nos âmes se connectaient et nos corps se reconnaissaient.
Je me souviens de m’être dit que la vie est belle et qu’elle commençait aujourd’hui.
Je me souviens qu’avec toi je n’ai peur de rien, ta main dans la mienne.
Pascale GIRAUD
Je me souviens, la peur me tétanisa immédiatement lorsque je ne te vis pas descendre du train.
Je me souviens de la violence inouïe de la douleur, le doute de m’en sortir indemne.
Je me souviens, tes yeux passant de mon frère à moi, ton visage se figer, dernier souffle .
Je me souviens du froid cinglant. La neige crissait sous mes pas .
J’avançais vaillamment – Te retrouver .
Je me souviens, la magie de tes histoires enchantées, les enfants hypnotisés, leurs yeux brillaient .
Je me souviens ,
Murée dans le silence, visage impassible, corps droit.
As tu craint d’ être abandonnée ?
Je me souviens, les effluves des tomates farcies embaumaient la cuisine d’une odeur alléchante et familière.
Je me souviens
Ton parfum, opium . Tes tailleurs, chics . Ta mise en plis impeccable,
Tu partais travailler.
Je me souviens d’avoir hurlé maman quand tu es tombée. Tes yeux hagards m’ont terrifiée.
Je me souviens de ta petite valise d’où tu sortais des présents pour toute la famille .
Je me souviens de tes yeux devenus gris bleus après l’opération .
Mécontente, tu n’aimais pas .
Je me souviens, tes rires joyeux , cheveux au vent et pieds dans l’eau, nos vacances en famille.
Je me souviens de ta gourmandise, et de ton plaisir enfantin à cacher les pâtes de fruits .
Je me souviens de l’amour inconditionnel que tu leur portais .
Sur ton cœur ils s’endormaient.
Je me souviens, les derniers rayons de soleil caressaient ta peau, l’althéa mauve resplendissait au milieu des camaïeux de vert.
Je me souviens, le soir tu guettais le vieil hérisson habitué des lieux qui traversait ton jardin .
Je me souviens fière, courageuse, ne jamais demander d’aide, mener ta barque … jusqu’à ton départ.
Armelle LEROY
Je me souviens, tu te souviens, t’en souvient-il encore de toi et moi, de nous ?
Je me souviens de notre histoire, improbable rencontre, un grand chambardement, je ne cheminais pas vers toi.
Je me souviens que tu reposais près de la fenêtre ouverte au vent, lisse et brillant, clos.
Je me souviens combien tu m’avais attirée, intriguée, drapé dans ton linceul jauni.
Je me souviens que t’effleurer, t’approcher puis te déflorer a fait chavirer ma jeune vie.
Je me souviens encore de tes premiers mots « Dans la plaine rase, sous la nuit sans étoiles… ».
Je te découvrais avec l’émerveillement de mes treize ans et la candeur de mon adolescence balbutiante, je me souviens de tout.
Je me souviens de t’avoir caché de peur que mon père ne me prive de toi.
Je me souviens et je souris à cette image figée sur la rétine de ma mémoire vivace.
Il entre dans la classe, avec toi que je ne connaissais pas, te dépose sur son bureau.
« Vous vous souvenez », lance-t-il enflammé, « je vous avais demandé d’apporter ce roman de Zola. »
« Je me souviens Monsieur, j’ai lu les premières pages mais je n’ai pas pu continuer. »
« Je me souviens du cheval dans la mine et j’ai eu peur qu’il ne meure. »
Je me souviens que mes premiers émois littéraires se sont fondus dans mes larmes de gamine ignorante.
Pourquoi est-ce que je me souviens encore de cet instant fugace où tu m’es apparu ?
Je me souviens qu’après toi, tout a changé dans ma vie de jeune fille en fleurs.
Oui, je me souviens, je me souviens de toi qui m’as éveillée aux mots, aux livres.
Catherine Spinard
Je me souviens du temps que l’on avait perdu ensemble sur ce carrousel, sur la place.
Tu m’avais dit de ne pas traîner, que nous étions pressés, j’avais répondu en grimaces.
Auxquelles tu as ris, comme toujours, de ce rire d’ogre, caverneux et profond qui résonne fort.
Que j’entends encore aujourd’hui quand je me prends à faire une bêtise, et je t’imagine.
Là, faussement endormi, ton sourire en coin, témoin et complice du méfait, ton silence est d’or.
Tu ne diras rien, tu l’as promis, au moment où tu as tendu ta main câline.
Pour m’ébouriffer une fois de plus et laisser sur moi le parfum des herbes fraîchement coupées.
Senteurs printanières qui t’accompagnent partout comme pour rendre plus douce encore ta présence déjà feutrée.
Sur ce carrousel tu avais oublié le nombre de tours que j’avais fais, probablement bien trop.
Un enfant pleure, un oiseau chante, un collier tombe, une voiture passe avec une musique trop forte.
Je me souviens de ton regard confus, ogre Caracole enjoué, tu étais devenu un triste peureux perdreau.
Regard perdu dans une brume que toi seul pouvais sentir, cherchant la sortie, ne trouvant aucune porte.
Le carrousel a continué sa course mais tu ne t’en es plus souvenu, comme le reste.
Les plantes ont poussées, sans gardien, sont devenues libres et sauvages, grimpantes, envahissantes, insensibles à tes gestes.
Ton sourire s’est estompé, devenu grimace, celles qui te faisaient rire, alourdies par trop de poids.
Et les odeurs de fleurs ont laissé la place à la froideur de l’oubli sans loi.
Le carrousel a depuis longtemps fermé, tu ne te souviens plus, alors je me souviens pour toi.
Bastien Dumez
Je me souviens d’un museau humide en quête sous ma main d’une vague de tendresse.
Je me souviens de la foule au regard masqué qui acclama l’éclipse dans la nuit féerique.
Je me souviens du tablier jaune de mon enfance, sous l’éclat de coton je devenais soleil.
Je me souviens de la neige immaculée qui m’invitait à danser sur son manteau de pureté.
Je me souviens du goéland banni par les siens m’entraînant à tire-d’aile dans sa merveilleuse épopée.
Je me souviens de tes mots creux quand tu m’as quitté, tu étais déjà un étranger.
Je me souviens des oiseaux déroutés percutant les tours mythiques sous l’œil sidéré de l’humanité.
Je me souviens de ta main chaude irradiant de désir sur ma peau douce avide de plaisir.
Je me souviens avoir été eau claire et libre et joyeuse avant d’être emprisonnée à perpétuité.
Je me souviens du jus sucré des cerises fuyant ma bouche gourmande pour moucheter ma robe blanche.
Je me souviens du silence après ta disparition, l’écho glacé du vide laissé par ton absence.
Je me souviens d’un rire enfantin aussi pur et rafraîchissant qu’une cascade de petits bonheurs.
Je me souviens d’un rêve géant de tout changer, mais le monde entier l’a oublié.
Je me souviens du nuage effilé m’emportant sur ses ailes de mousse légère vers la liberté.
Je me souviens d’une silhouette évanescente dans l’ombre d’une nuit étrange, la Dame Blanche.
Je me souviens d’un concert magique improvisé, un moment parfait dans la transparence de l’été.
Je me souviens d’un océan de narcisses blancs enivrant les cueilleurs insouciants qui tanguaient et disparaissaient.
Christine GILLET
Je me souviens d’une nuit de brouillard, les yeux brûlants, sans repères derrière le pare-brise aveugle.
Je me souviens de ma dernière visite à mon père, ma main doucement posée sur la sienne.
Je me souviens de la plage de Sète en hiver, bicolore et nue, à perte de regard.
Je me souviens d’une allée en forêt, les feuilles colorées dansant au rythme du vent joueur.
Je me souviens des lys martagon délicatement rosés, tachetés de grenat, le long d’un grillage rouillé.
Je me souviens de la douleur lancinante des bretelles sur mes épaules, si vite oubliée au sommet.
Je me souviens de son sourire lumineux en signe d’adieu, après des kilomètres face à face.
Je me souviens de ce matin d’avril 1994, un lilas en fleurs sous une neige glaciale.
Je me souviens du vent dans les feuillages et du silence des oiseaux avant la pluie orageuse.
Je me souviens d’une chaleur moite, d’une pluie chaude, et aucun taxi qui m’attend.
Je me souviens de cette annonce fracassante, ma sidération, mes pensées pour les roumains, Ceausescu était tombé.
Je me souviens d’un réveil en bivouac, les alpages sous la rosée, moi sous les étoiles.
Je me souviens de celles qui étaient dans un train, dont elles ignoraient la destination si terrible.
Je me souviens de mon impatience, avant chaque éclosion de la première fleur de magnolia au jardin.
Je me souviens de mon premier vol en parapente, la sensation de l’apesanteur, une confiance totale.
Je me souviens de cette attente interminable aux urgences, le mental usé par trop d’hypothèses pessimistes.
Je me souviens d’un temple hindou, une foule entière habillée de rouge et moi, en bleu.
Nicole Larderet
Je me souviens d’une grande maison rouge,
Les cris d’enfants résonnaient, parfois ceux des parents.
Je me souviens des nuits noires et longues
Où mes cauchemars et cris me réveillaient en sursaut.
Je me souviens : je me réfugiais dans les bras de Maman
Venue me consoler, essuyer mes larmes.
Je me souviens que je n’aimais pas le vendredi
Parce qu’on mangeait toujours du poisson.
Je me souviens de l’école catholique, de la prière obligatoire chaque matin et après les récréations
Je me souviens du spleen du dimanche soir,
Des devoirs à terminer, des vêtements propres à préparer
Je me souviens du premier poste de télévision à la maison,
Et de la visite des voisins.
Je me souviens de la Simca familiale.
Huit passagers, sans siège adapté et sans ceinture de sécurité.
Je me souviens de la plage en été.
La pêche à la crevette dans les petites mares.
Je me souviens : à plusieurs, nous creusions de grands trous pour les marchandes de boulettes pas chères.
Je me souviens du lycée, des chahuts, des fous rires
Des heures de colle, des sorties interdites
Je me souviens de la découverte de la Littérature
Le récit, le théâtre, le roman, la poésie
Je me souviens que ma vie d’adolescente changea.
Montaigne, Pascal, Molière, Apollinaire et d’autres m’accompagnaient.
Je me souviens : « Vienne la nuit, sonne l’heure
Les jours s’en vont et je demeure »
Je me souviens quand j’ai entendu Barbara chanter,
Le frisson qui ne m’a jamais quittée
Je me souviens de beaucoup de ses chansons
La longue dame brune, son écharpe, son piano noir.
Je me souviens d’événements, d’émotions, de rires, de chagrins
Mais trop intimes pour être évoqués.
Annie Faure
Je me souviens de l’air lourd et mystérieux à mon arrivée à Melbourne, terre aborigène.
Je me souviens de la hauteur des buildings, cris curieux d’oiseaux inconnus, des allées, des rues.
Je me souviens d’un visage familier à dix sept mille kilomètres, de chez moi, présence rassurante.
Je me souviens de la chaleur, de l’humidité des champs d’amandiers, des canaux, de l’eau.
Je me souviens de la bière fraîche après l’effort, après l’effroi d’avoir vu un serpent
Je me souviens les émotions contradictoires, entre courage, peur, et euphorie
Je me souviens du ciel étoilé, de la nuit froide et du beuglement des vaches
Je me souviens des sourires, des partages, des rencontres, des avant, des après, des au- revoir et des musiques.
Je me souviens de la côte, de la fureur des vagues, de mon vague à l’âme.
Je me souviens de mon pays et de celui que je foule des pieds, terre rouge éparpillée.
Je me souviens d’un étrange élan, sur la route qui zigzague, de la nuit ,de la folie.
Je me souviens de la plonge, des assiettes et des jours qui s’entassent comme mes rêves
Je me souviens des kangourous fous, de mes idées qui sautillent, de mes pulsions entre deux rives.
Je me souviens des vagues, des amis, d’un mariage, d’une envolée, de fou-rires et de danse.
Je me souviens du feu d’artifice crevant le ciel de Sydney, de la foule, de la nouvelle année, de mes yeux cernés.
Je me souviens du chemin, des marées, des dauphins, vertige d’une vision, élévation et de la terre vue d’en bas.
Je me souviens des sensations, de mon rêve, de sa réalisation, de ma transformation.
Thibaut Osmont
Je me souviens de mon premier jour à l’internat du collège, j’avais juste dix ans .
Je me souviens de mon irrépressible chagrin d’enfant de ne pas savoir couvrir mes nouveaux livres.
Je me souviens de la salle d’étude et du silence imposé aux trente petites filles présentes.
Je me souviens de mon immense solitude, pourtant ma sœur aînée était là, Josiane et Marie aussi.
Je me souviens des gros sanglots qui obstruaient ma gorge et des coquillettes aspirées avec mes pleurs.
Je me souviens d’un moment de bonheur extrême car on était samedi, je rentrais chez nous.
Je me souviens de mes rêveries devant mon livre de géographie de cinquième
Popocatepelt, Atacama, Titicaca, Chiloe.
Je me souviens de mes longues balades dans Paris, longeant la Seine d’Austerlitz aux Champs-Élysées.
Je me souviens de Paris silencieux sous la neige et des flocons s’évanouissant sous nos baisers.
Je me souviens de Paris au petit matin, du soleil levant et des oiseaux qui le saluaient.
Je me souviens de la mer à Sète un soir d’été, la liberté des premières vacances.
Je me souviens de ma première voiture, Auto-bianchi, le symbole de mon indépendance et de ma liberté.
Je me souviens de ma jubilation à la lecture de « Au bonheur des ogres » de Daniel Pennac.
Je me souviens de mon atelier d’écriture avec Mathias Malzieu à Grignan et de ses encouragements.
Je me souviens du moment où je compris que mon bébé était un être détaché de moi.
Je me souviens de mes amis, si chers, disparus, qui restent dans mon cœur et je pleure.
Je me souviens des éclats de rire sous le mûrier qui faisaient taire et fuir les oiseaux.
Marie Aussiette