Mosaïque littéraire avec Valentine Goby
Dans cette nouvelle proposition d’écriture, vous avez dû construire votre texte en intégrant 6 titres de la bibliographie de l’autrice Valentine Goby
Découvrez ci-dessous les textes de cette troisième invitation à écrire :
Invitation à écrire n°3 Mai 2024
Tu sais Valentine, l’île haute, celle qui prend sa source dans les tréfonds de nos âmes, elle n’a pas sa pareille dans les rêves des autres, elle leur est inaccessible. Elle n’appartient qu’à nous parce que nous l’avons forgée de nos propres mains, patiemment, amoureusement, sommeil après sommeil. Personne n’en connaîtra jamais les recoins, les secrets : ses banquises comme des corps en silence, ses murènes qui frottent leur dos sous les roches creuses. Pour nous, elle peut tout : devenir montagne, accueillir un soir de lune pleine un paquebot dans les arbres et bien d’autres vaisseaux encore, à voiles, à vapeur, à rames, et au matin prendre le large pour une destination improbable. Tu l’entends, Valentine ? – elle murmure. Notre île. Notre île au goût de fruits que l’on chaparde dans les vergers, que l’on croque grain à grain, en faisant durer le temps, notre île au goût des baisers interdits qui mêlent les salives. Écoute son goutte à goutte. C’est un battement de cœur. Il prend racines dans une grotte ancienne dont les parois sont peintes. Pose tes doigts sur les miens et viens. Marchons sur le fil invisible qui nous rend funambules et qui déjoue les peurs. Vois : nos corps se déploient, ils crissent comme des pas sur la neige, ils vibrent comme l’air. Je crois qu’ils vont chanter.
Véronique Pédréro
Tu sais Valentine, je ne m’appartiens plus.
Chaque nuit, mes paupières de plomb se ferment si fort que le reflet de mes iris s’y imprime. Je peux imaginer leur clarté froide comme la banquise, et leurs épis semblables à l’herbe brûlée de mon jardin. Et c’est lorsque je n’entends plus que le bruit sourd du silence que je parviens à me faire face. Je la vois, cette douce enfant, qui effleurait autrefois le tendre rêve d’une fuite éternelle.
L’échappée d’une vie, la recherche de mille belvédères où se reposer. Celle qui posait son regard sur la pâleur du petit matin et écoutait l’éveil des corps en silence. D’abord, le bruit blanc de la maison à l’arrêt, figée dans les bras d’un Morphée affable et attendri. Puis le craquement d’un vieux parquet rongé par le temps, et le grincement des portes que l’on pousse, encore aveuglé par le sommeil. Cette enfant-là existe encore, au fond de mon cœur rafistolé.
Chaque jour je m’applique à le couvrir de mes baumes les plus apaisants, de ces onguents que je déniche dans la contemplation de ce quotidien que j’ai bâti.
Chaque jour, j’ondule comme une murène parmi les morceaux de ce qu’il reste de ma vie. Je perçois ce que j’ai pu être, feignant d’ignorer les vibrations de mon enveloppe charnelle, déchaînées par mes démons intérieurs. Car désormais, je suis à leur merci. Mais chaque jour, et jusqu’à ce que le ciel se drape d’un manteau pourpre, je me promets d’éclatantes revanches.
Manon Foret
Tu sais Valentine, tu es et seras mon arbre jusqu’à la fin des temps, du moins le mien…
Je voudrais tant en allonger la note sensible pour irradier les harmoniques du silence entre tes branches. Y parviendrai-je ? Oserai-je le croire sans faire montre d’orgueil ?
La première chose qu’il me faille tenter - me semble-t-il - est de faire cesser tout vrombissement intempestif et inutile pour adopter la position de la planche, yeux fermés, afin que tout devienne aussi blanc que les banquises blanches. Là, je songerai forcément aux ailes de tes hanches et je m’y accrocherai en rêve, le temps qu’il faudra, sept jours au moins - comme pour la création du monde. Ce ne sera pas difficile. Il me suffira de me laisser bercer par mon clapotis intérieur, au creux d’une anse semblable à celle d’une île haute, paradisiaque et préservée. Je saurai qu’il s’agira de toi, ma mystérieuse. Cela me suffira – mieux - me comblera. Alors le temps pourra bien m’échapper, plus rien ne m’importera. Je te saurai toujours à mes côtés et en moi, dans une bulle de savon où le beau se reflète. Et je me poserai sur une de tes feuilles.
Véronique Pédréro
Tu sais Valentine, je te voyais venir, la pile de livres t’a échappé et maintenant par terre gît une Mosaïque littéraire comme ces fragments dans les ruines antiques, Pompéi, Afrique du nord, témoins désarticulés, mon œil est révolté par cette littérature culbutée. Toi parfumée des fragrances de Grasse qui arrives toujours dans un grand silence, t’ai-je troublée ?
Qui touche à mon corps je le tue, tu me l’as donné à notre première rencontre, j’y ai mis du mien et nous nous sommes revus pour Des corps en silence comme J.M.G face à sa montagne du Var. Ou Sagan de Bonjour Tristesse, irrésistible légèreté de l’être, celle de "la belle race pure des nomades ". Dans notre conversation tu as dit "nos oreilles sont vides" comme Casarès écrivait à Camus se reposant à Cabris "tes genoux pointus me manquent" et j’ai mis "B.B. moi non plus" *. C’était la note sensible pour que toi, la fille surexposée par sa production littéraire, décides de me convaincre physiquement de la place du corps dans la construction de soi, plutôt d’un couple. Féline Murène tu es venue te plaquer contre moi.
Par la suite tu as écrit l’île haute, fatiguée des propos sur la montée des eaux et m’est revenue ma pensée du temps d’avant "Je me promets d’éclatantes revanches" quand tu me dominais régulièrement avec tes métamorphoses littéraires, je m’agrippais à l’expérience instinct des jeunesses. Nous avons remplacé nos débats de cerveaux, depuis, ensemble, nous avons plongé dans les 5 sens de vie sensorielle et plus peut-être. Oui, quel régal expérimental partagé !
R. Prothet
Ma cousine Valentine
Prends ta plume et envole-moi
De ta corse perchée je te vois
Au diapason du Japon je t’écoute
Raconter l’île haute en couleurs.
Mon cousin Mathieu
Murène en terres expatriées
Auprès de montagnes je vivrais
Heureuse de t’offrir, j’articule
Ce haïku brumeux s’intitule :
Yakuza fromage de chèvre.
Oiseau matinal
Un paquebot dans les arbres
Pirate ma montagne
Mathieu Reynaud
Tu sais Valentine, je me suis offerte sept jours d’évasion dans ce joli petit chalet perdu dans la campagne pour y écouter le silence.
J’y ai entendu le murmure du vent, le crissement fragile des feuilles frémissantes.
J’ai suivi du regard la danse ondulante d’un oiseau dans le ciel.
Puis lorsqu’il s’est posé sur la branche tout prêt de moi, j’ai dressé l’oreille.
Son doux chant semblait dire, tu seras mon arbre pour toujours !
Je me suis reliée a la nature, ne me lassant pas d’observer pour mieux communiquer avec elle.
J’ai repris du baume au cœur, le rendant plus léger.
Je n’ai plus du tout perçu en moi cette petite voix qui me parlait pour mieux me déstabiliser.
C’était la note sensible que je ne devais plus jamais écouter.
Désormais je me promets d’éclatantes revanches car depuis je me vois et me sens devenir montagne.
Marie-Claire Sanchez Moreno
Tu sais valentine, ce que je vais te conter est arrivé à tes arrières arrières grands parents. Je me blottis alors contre mon grand père qui accroupi sous le gigantesque abricotier de notre maison souriait malicieusement. Je devinais sous sa longue barbe blanche sa petite bouche ronde qui allait une fois de plus me raconter la folle échappée de Li et Mila. Un jour d’été, Li et sa belle fiancée aux lèvres vermeilles, s’en allèrent se prélasser sur l’île haute.
Le soleil cognait si fort qu’ils plongèrent avec délice dans l’océan pour se rafraîchir. Une énorme murène dérangée par les amoureux surgit alors des récifs les menaçant de ses dents, prête à les croquer. Mila trembla à la vue de cette hideuse murène grise et visqueuse . ’’ Qui touche à mon corps et celui de ma belle, je le tue ’’ hurla Li qui, ni une ni deux, attrapa Mila par la taille pour la jeter sur le cheval à la crinière jais qui les avait mené jusque là.
Ils chevauchèrent à bride abattue pour rejoindre le village.
Li remit de ses émotions serra sa fiancée contre lui ; leurs corps en silence apaisés d’être sains et saufs ne faisaient qu’un sous l’ombre de l’abricotier dont les branches ployaient jusque terre sous le poids de ses fruits.
Le temps passa mais plus jamais Li et Mila n’allèrent de ce ce côté de l’île et dès qu’ils en avaient l’occasion, racontaient leur effrayante aventure.
Et moi, Valentine, rassurée auprès de mon grand père dont la barbe sentait bon l’odeur de la pipe qu’il fumait entre deux histoires, je croquais à pleines dents un abricot juteux et sucré.
Armelle Leroy
Un arbre sous le ciel vilain
Tu sais Valentine c’est ainsi.
Il suffit d’un ciel vilain et poisseux qui colle à la terre pour que le monde en sept jours se défigure, laisse fondre les banquises cristallines dans la doublure de son âme et s’échoue comme un paquebot dans les arbres.
Je ne crains rien des corps en silence qui se rétractent au moindre frémissement.
Sous nos yeux grossis par la fièvre, l’univers se délite, ses certitudes se dissipent dans la vapeur bleuâtre des lointains. A chaque solstice, le paysage gronde. Les montagnes se fondent en rivières mugissantes, les océans en vastes plaines vides d’herbages et de troupeaux. Les villes ronflantes se muent en une jungle d’acier. L’inébranlable se dissout, l’absurdité surgit.
Mais je reste serein, Valentine, car il n’y a rien à craindre de ce boogie-woogie chaotique. La fragilité n’est pas une menace mais une force créatrice. Les hommes se cachent parfois dans leur peur, mais moi, je les observe avec tendresse. Leur vulnérabilité est belle comme une lune d’argent qui découpe les flots échevelés.
Les croyances fondent mais laissent la place à des parfums exotiques dans une forêt vierge.
Tu seras mon arbre, toi, la fille surexposée aux vicissitudes du monde, ancrée dans cette transformation constante car, au cœur de ce tourbillon vertigineux de rauques abois, réside la vraie essence de notre existence.
Anne Fabregoul
Tu sais Valentine, il m’aura fallu sept jours, sept longs jours pour entendre le bruit assourdissant de la douleur muette qui montait des corps en silence. Nos corps, le tien, le mien, sur lesquels on avait mis ce qu’on croyait être des baumes pour masquer les traces de l’horreur que nous avions subie. Mais, même le plus beau des tatouages ne camoufle pas la cicatrice d’une blessure profonde, cette entaille rouge vif dans nos jeunes vies naissantes !
Un jour, tu as parlé et la note sensible de tes mots a réveillé en moi ce que j’avais enfoui si longtemps.
Et voilà que je réalise que je n’ai pas su te protéger. Alors, moi la grande sœur, je me promets d’éclatantes revanches.
Ce combat pour la vérité, nous allons le mener, main dans la main et nous allons le gagner !
Tu seras mon arbre et je m’accrocherai à tes branches. J’enlacerai ton tronc et je puiserai ma force dans tes racines pour résister à la tempête que nous allons déclencher. Un tsunami qui balaiera tout sur son passage. Mais nous résisterons car plus rien ne peut désormais nous atteindre.
La peur et la honte vont changer de camp car à partir de maintenant, nous allons relever la tête.
Tu sais Valentine, sept jours ont été nécessaires pour me faire ouvrir les yeux. Sept jours, le temps que Dieu a mis pour créer le monde.
Françoise Boyat
Tu sais Valentine, cette nuit j’ai fait un rêve étrange, un rêve qui te concernait.
Il y avait un paquebot dans les arbres. Je voyais ton visage , encadré par un hublot. Tu parlais, criais, mais personne ne t’entendait. Je voyais tes lèvres bouger, tes larmes couler. Ta peau, sur ton beau visage, était parsemée de violettes par endroits. Je parle de ces violettes cruelles, qui poussent subitement sous la peau. Elles ont l’odeur, le bruit du mal. Et même si elles disparaissent avec le temps, elles laissent des traces. On te voit, on t’entend , on te regarde, impuissants et lâches.
Alors ces mots, au creux de tes maux , m’ont raconté :
« Le plus souvent dans l’histoire, Anonyme était une femme. » *
Les corps en silence des femmes s’étaient tus, anéantis, vidés de leur sang, parfois de leur vie. Parce que des mains les avaient mal aimés ces corps. Il aurait suffit d’un corps à soi pour écarter les barreaux de la servitude et de la tristesse . Il aurait suffit d’une plume entre les doigts pour entendre le doux bruissement des feuilles dans les arbres, pour dessiner les derniers rayons du soleil qui lèchent la colline et draguent la plaine. Sentir la merveilleuse odeur des violettes, les vraies, tu sais Valentine, celles qui ne t’envelopperont plus de leur fleurance sucrée, telle un baume apaisant. Et laisser le vent dénouer tes cheveux.
Parce que Anonyme est une femme, parce que Anonyme c’est toi, c’est nous. Alors nos voix s’élèvent et nos corps puissants sont droits.
Tu sais Valentine, je me promets d’éclatantes revanches, pour toi, pour nous toutes.
Et je le jure : qui touche à mon corps je le tue !
* Une chambre à soi. Virginia Woolf.
Vannelle Frau
Tu sais Valentine, je n’entends rien. Là-haut, sur l’île haute, je ne peux que devenir montagne.
La semaine n’a que sept jours ? Je voudrais vivre tellement plus longtemps ici. Le temps ne s’égrène pas en jours, ni en heures, ni en minutes, le temps c’est l’échappée.
Loin du monde d’en bas, je me promets d’éclatantes revanches.
Serais-tu d’accord pour vivre avec moi, ici, tous les deux, rien que nous deux ? On n’a besoin de personne. Je n’ai besoin de personne, sauf de toi. Sans toi, je m’écroule.
Tu seras mon arbre, je m’appuierai sur toi, je t’enlacerai, ta sève me nourrira, je survivrai.
Regarde. Le soleil se lève. Regarde. La nuit tombe. Tu vois, il suffit de vivre l’instant présent. Ensemble.
Noëlle Roth
Tu sais Valentine, si cela devait arriver, je te promets de devenir une montagne,
forte, dure, changeante, mais tellement accueillante et rassurante. Tu sais à quel
point voir, observer et contempler est important pour moi. Depuis sept jours,
j’entends plus que je ne voie. Un voile ouaté tombe devant moi enveloppant tout
autour de moi et me laissant seule. Je me sens comme sur des banquises. Je
suis à la fois angoissée et rassurée par le mélodieux concert que cela crée. C’est
incroyable mais j’entends le moindre bruissement d’ailes, le moindre
froissement, la plus petite note sensible et je me retrouve, je me repère, je me
situe et me dirige au milieu de ces sons directifs.
Je me promets d’éclatantes revanches, moi qui durant toutes ces années, n’aie
jamais pris le temps d’écouter pour comprendre, d’entendre pour deviner, de
percevoir pour voir. Je ne verrai peut être plus, ou certainement moins, mais qui
touche à mon corps je le tue ! Nous n’en sommes pas là, n’est ce pas Valentine,
mais je te promets que j’apprendrai sans relâche, jusqu’à ce que mes yeux et
mes oreilles ne fassent qu’un.
Annick Duterail
Tu sais Valentine, je te remercie pour « l’île haute », ton livre lu avec délectation. Je n’ai de cesse depuis de le promouvoir comme antidote aux écrans, un baume de tendresse que tous les ados devraient lire.Un hymne à la nature, et à la bienveillance. Avec Vincent, Vadim en réalité, je vais avec lui dès son arrivée de nuit à Vallorcines en ce début d’année 1944 être immergée, dans le froid, la neige, des remparts de neige. Il va s’endormir en sécurité, avec les meuglements des vaches à proximité. Et dès son premier réveil, les montagnes hérissées de pointes, les Aiguilles rouges , seront désormais pour lui , immenses mais protectrices. Arrivera Monette, les bavardages de Monette. Elle sera son initiatrice , sa complice, sa partenaire pour tous les travaux que pouvaient faire les enfants à cette époque. Avec les cloches des vaches en fond sonore et la nature mosaïque de couleurs en toile de fond. Et moi, lectrice, j’ai goûté goulûment, le corps en silence, ce livre qui fait du bien. Vallorcines , un nid au creux des montagnes où je me suis bien souvent arrêtée au cours de mes échappées vers Martigny et ses expositions. Vallorcines, nichée comme un paquebot dans les arbres, où l’air est pur comme les eaux de son torrent. A présent le temps de « l’île haute » est révolu : les glaciers fondent, la forêt prend certains étés des couleurs inquiétantes, la neige se fait rare en hiver.
Le devenir montagne serat-il hélas notre devenir ?
Denise Roux
Tu sais Valentine, j’ai toujours aimé me lever tôt. Je referme doucement « L’île haute », comme un album de photographies familières et je me souviens de « La fille surexposée » que j’étais, ce premier jour d’école 1962, dans le hameau perché où nous étions arrivés la veille : habits inadaptés au lieu et à la saison précoce. Ignorante en tout. Curieuse de tout. Face à quatre enfants, enracinés dans la terre de leurs ancêtres, serrés dans des chaussures rabotées par les cavales sur les sentiers caillouteux. Muets comme moi, sur un fond de balançoire désaccordée.
Le lendemain, il neigeait. Des milliers de gouttelettes comme une bénédiction de bienvenue. Et le silence. Seule la maison bavardait pour apprivoiser nos oreilles : craquements de la charpente, et ceux de l’escalier annonçant une venue, ronflements du poêle et du vieux chien allongé devant notre porte, grincements des sommiers, crissements des plaques de la cuisinière à bois. C’est sur le balcon, que mon âme a voulu « Devenir montagne ». Une frise de sommets sans nom, qui s’offraient si généreusement, blancs, verts, parfois rose ou bleutés que je quittais le soir pour mieux les retrouver au matin. Solides. Immuables. Fidèles. Intacts. Magnifiques. Ils seront les confidents de mon enfance nomade, comme le sont les ours en peluche pour d’autres.
Nicole Larderet
BANQUISE
Tu sais Valentine, je suis profondément marqué par l’issue de ce raid nordique qui devait être une échappée belle, mais rien ne s’est passé comme prévu. Nous avons quitté l’Arktika à bord de nos trois canoës, deux par canoës, avec dix jours de vivres, il faisait beau. Nous étions heureux de laisser derrière nous les vrombissements sourds du brise-glace. Dès lors, seuls le clapotis des pagaies et le glissement de nos embarcations sur l’eau noire et glaciale de l’Arctique meublaient le silence originel. Nous avons ramé durant des heures et mis le pied sur la banquise vers minuit. Le soleil rasant de la nuit polaire illuminait l’immensité immaculée et jouait avec aux ombres chinoises avec les ondulations du relief. Le lendemain, nous avons pris la direction de l’île haute. Nous avons contourné les séracs bleutés du glacier Riwick, dont nous percevions régulièrement les craquements. Ce qui avait commencé par une bucolique promenade maritime allait devenir montagne infernale. Nous nous sommes encordés, avons chaussé les crampons. En milieu de journée le ciel s’est couvert, en fin d’après-midi il neigeait. Le mauvais temps a duré sept jours, une tempête comme je n’en avais jamais essuyée. Nous passions nos journées dans nos trois minuscules tentes. Le rugissement lancinant du vent nous soûlait, nous n’étions plus que des corps en silence et en souffrance. Lorsque le soleil fit son retour, nous avons plié le bivouac et pris le chemin du retour en direction de la mer, c’est alors que le drame est survenu…
André Bouisson
Tu sais, Valentine, si tu savais comme ce mail me coûte. Comme c’est dur de revenir à la vie « normale », les deux pieds sur terre, et t’écrire depuis cette chambre lugubre. Ces derniers jours, je n’étais pas là : je me suis échappé. Et le plus incroyable, c’est que cette échappée a eu lieu au fond de mon jardin, là où on s’amusait quand on était petits. Grimper aux arbres, sauter à saute-moutons, jouer à la marelle. Des jeux vieillots, abandonnés aujourd’hui par les enfants de nos enfants. Ça durait toute la matinée, quand ma mère nous hélait depuis la cuisine, « Venez manger, c’est prêt ! »
La semaine dernière, mes enfants m’ont informé de leur décision de m’envoyer en EHPAD.
Cette nouvelle m’a secoué, m’a brutalisé, même. Je me suis retrouvé littéralement le cul par terre. C’est-à-dire, que je suis tombé dans les pommes. Évidemment, cela n’a fait que confirmer la nécessité de me virer de mon chez moi. Alors, après le départ des trois gredins, Mathieu, Estelle et Anaïs, je me suis enfui au fond du jardin. Au pied du vieux chêne, j’ai exclamé : « Tu seras mon arbre ! » Et tel le baron perché, j’ai grimpé sur ce vieil ami fidèle. La peur de me voir enfermé pour le restant de mes jours m’a motivé pour cette escalade, malgré mes rhumatismes. Arrivé à la cime, je me suis nommé capitaine de mon paquebot dans l’arbre, au-dessus de tout et de tous. Ma première destination a été l’île haute et ensuite, les banquises. Mais mon bonheur a été de courte durée. Le lendemain, les voilà ces trois gredins qui me hélaient comme ma maman autrefois : « Papa, descends, viens au moins manger un morceau. » Les pompiers sont arrivés trente minutes après mon énième NON ! Le pauvre soldat du feu ne s’attendait pas à mon beuglement : « Qui touche à mon corps je le tue ! »
Rosemarie Debray
Tu sais Valentine pendant sept jours j’ai marché. Je grimpais toujours plus haut jusqu’à devenir montagne tant celle-ci m’absorbait. Au départ ce n’était que pépiements d’oiseaux et du vert à l’infini. Mon regard se fixait au loin cherchant une ligne d’horizon mais le bêlement d’une chèvre me ramenait sur mon sentier. A cette saison tu n’imagines pas la quantité de fleurs paradant comme des minettes prêtes pour un défilé de mode. Un kaléidoscope de couleurs : le bleu de la gentiane printanière, le rose de l’orchis tacheté, le pourpre de la digitale, le vert de l’euphorbe, le jaune de la potentille ; Mais cette marche était en fait une échappée. Marcher pour ne plus penser, marcher pour ne rien entendre du bruit du monde, seulement la note sensible, petite musique qui donne sens à l’univers. Appartenir au minéral, au végétal, être des leurs.
Il faut marcher longtemps pour atteindre l’île haute, cet endroit magique où tu te sens infiniment petit au milieu de l’infiniment grand. Alors, le corps devient silence mais ton âme s’ouvre à la beauté du monde.
Claire Deroeck
A l’assaut des cimes
Tu sais Valentine que j’avais cette envie irrépressible de combattre contre mes propres limites ? Cette possible échappée loin de notre monde chaotique. Tout en haut de l’hémisphère du rêve. Plus haut. Je suis partie sept jours gravir une montagne. Mais ce fut une expérience éprouvante. Des blocs de rochers coupants, des crevasses abyssales, des sentiers caillouteux. Une pluie froide qui tombait dru. Des pics acérés qui luisaient comme de la nacre. Parfois le brouillard rendait le sommet mystérieux voire menaçant. J’aurais voulu devenir cette montagne fière et imperturbable. Ne faire plus qu’un avec ses crêtes vertigineuses que des chamois dévalaient, lestes et aériens. On souffrait tous. Des corps en silence ! Un soir le tonnerre gronda si fort que les chocards, véritables cascadeurs se cachèrent au creux d’une crevasse. On était seuls, loin du brouhaha du monde mais bien fragiles face aux éléments qui se déchaînaient. Dans l’air flottait une odeur indéfinissable que les rafales d’un vent aigre nous renvoyaient en plein visage. Apocalypse now avait dit l’un des grimpeurs tentant de faire un peu d’humour. La montagne, toujours en mouvement nous étonna. La pluie avait lavé le ciel. Le soleil brillait doucement. Une journée où l’on oublia courbatures, muscles endoloris, fatigue intense. L’embellie fut de courte durée. Une autre nuit il neigea dans un air glacé. Les bourrasques nous mordaient le visage. C’était le grand silence. Tentatives infructueuses ! Constat attristant ! Il fallait attendre l’accalmie et redescendre. Mais tu le sais Valentine, il faut effacer et recommencer. Alors je me promets d’éclatantes revanches.
Violette Chabi
Blanc
Tu sais valentine, une image me traverse l’esprit, je revois ton teint pâle, tes lèvres boudeuses et tes grands yeux bruns.
Tes yeux dans lesquels un homme pouvait se perdre ; c’est arrivé à nombre d’entre eux, et ça ne s’est jamais bien terminé, tu es comment dire, une fille surexposée !.
Je souris en repensant à cette phrase, et en me décidant d’allumer la radio. La note sensible de la radio et les quelques stations que je parviens à capter : voix et musiques lointaines, anciennes, usées, comme venant d’un autre temps, enroulées dans une pelote de grésillements électriques me calmait. Valentine ma murène paraît paisible, sa peau sent la cannelle, le savon et quelque chose qu’il est impossible de nommer. Lorsque je viens la voir, mon esprit inexplicablement, devient froid et blanc, comme la banquise .Je dois me protéger, me couvrir, m’éloigner, ne pas dormir avec elle, sinon je meurs. Avant de partir, j’incline mon chapeau, remonte mon col, et je lui dit :
- Il y a que deux choses que j’ai l’intention de faire, ce soir. La première, c’est rentrer chez moi, Quand à la second, eh bien,ça dépendra des dispositions de ma femme.
Richard Velasquez
Tu sais Valentine, quand tu entres sur ce territoire, tu plonges dans un inconnu insoupçonné. Ne crois pas qu’un matériel d’expédition et une préparation optimale t’apporteront toutes les clés pour le comprendre. Tu dois rester humble et respectueuse. Là-bas, aussi loin que ton regard porte, tu ne vois aucune vallée devenir montagne, aucune forêt verdir le décor, aucune île haute émerger, aucune cité sortir de terre. La cacophonie animale, le brouhaha humain, le vrombissement mécanique ne sont que des chimères. Des corps en silence glissent sur l’horizon bleuté, tels des fantômes. Ils se détachent sur le désert glacé des banquises telle une illusion. La neige avance à pas feutrés et se dépose muette et intense. L’échappée alerte et hâtive d’un Isatis face au harfang des neiges, tranche l’imperturbable paysage. Ils jouent la note sensible dans cette atmosphère impassible. Seul le craquement de la glace retentit et raisonne alentour, tandis que le blizzard réplique en hurlant et emporte ta voix. Les conditions extrêmes n’ont d’égale que leur incroyable beauté. Isolée dans cette immensité hostile, tu deviens spectatrice et intruse. Tu sais Valentine, c’est un cadeau.
Myriam Finot
Tu sais Valentine, je te promets d’éclatantes revanches… J’ai entendu un jour cette phrase résonner en moi : Qui touche à mon corps, je le tue ! Elle m’a ouvert les yeux et m’a rendu ma liberté que je croyais perdue. Telle une île haute, reine d’un archipel, avec en son centre un paquebot dans les arbres, dernière trace vestige d’un naufrage passé, je vais devenir montagne, combattante mais rassurante. Une montagne entourée par la mer, calme et apaisée, si haute et si belle dans ses valeurs, qu’on pourra apercevoir son aura de très loin. Elle invitera, à qui le mérite, à venir s’y perdre pour retrouver sa paix intérieure. Elle sera exotique pour ceux qui s’autorisent à la découvrir, imprégnant dans leur cœur et dans leurs yeux, multitudes de couleurs diverses et variées : de l’apparence dorée des grains de sable, en passant par les variations d’un dégradé de verts intenses offert par une végétation luxuriante ; de la palette infinie du plumage des oiseaux enchanteurs et des fleurs idylliques, jusqu’au bleu azur du ciel et la transparence des eaux turquoise se laissant glisser au hasard des méandres de la nature. Son chant sera envoûtant et mélodieux, grâce à la note sensible de la symphonie des oiseaux, grâce à la douceur de l’eau se faufilant à travers roches et végétaux, grâce la caresse d’une brise légère transportant mille et un parfums. Un vrai paradis intérieur retentissant sur soi-même et sur les autres.
Delphine RAMOS
Tu sais Valentine, il y a sept jours seulement que tu es partie mais j’ai l’impression que ton échappée remonte à davantage. Tu me manques tellement. Ne plus entendre ta voix, tes mots, tes rires, ton chant allègre et délirant ! Quel vide, quelle tristesse. N’y a-t-il pas des baumes pour les cœurs emplis de chagrin ? Je suis ta note sensible et toi la tonique qui me stimule et me donne goût à la vie. Je ne me réjouis plus de la lumière de l’aube ni des couleurs somptueuses du soleil couchant. Les concerts joyeux des oiseaux ne parviennent plus à m’enchanter ainsi que la beauté des fleurs qu’ensemble nous avons plantées dans notre jardin. Reviens Valentine. Tu sais que tu es et seras toujours mon arbre, solide et apaisant. Grâce à toi je peux devenir montagne d’Amour et de tendresse. Je t’en prie, ne m’oublie pas !!
Evelyne Creux
Tu sais Valentine, notre échappée de l’autre jour ne m’a pas laissé indifférent. Découvrir nos corps en silence a été une expérience inoubliable. Voir ta beauté se dénuder sous mes yeux sans un mot a mis tous mes sens en émoi. Je revis chacun de ces instants comme si j’y étais encore. Tes cheveux blonds caressant ta nuque, ton chemisier bleu glissant le long de tes épaules, tes petits seins blancs apparaissant tout pointus, tes hanches frémissant sous mes mains. J’ai entendu tes mélodieux gémissements de plaisir mais nous n’avons pas joué la note sensible car c’était bien trop intense pour moi.
Tu sais ma Valentine, cela fait trois ans que je te dévore du regard, que je te désire au plus profond de moi, que j’imagine ce que nous pourrions faire ensemble. Cela fait trois ans que je n’ose t’adresser la parole de peur de paraître idiot et à chaque fois que l’on se frôle, je me promets d’éclatantes revanches. Je rêve de devenir ta montagne et que tu sois mon arbre. Tu te ressourcerais dans mes bras solides et je te protégerai des vautours. Je veux seulement que tu sois heureuse et pour cela, je resterai à tes côtés pour toujours… ami ou amant… A ta guise ma Valentine !
Virginie ESCOFFIER
Voyage en contrée hostile
Tu sais Valentine, depuis ce jour je déambule sur les froides banquises immaculées de la solitude et de la peur. Les corps en silence des zombies de mon espèce m’accompagnent dans cette triste errance à l’affût de l’échappée salvatrice qui nous ramènerait dans l’univers polychrome de nos existences passées.
En rêve je me promets d’éclatantes revanches : un plongeon turquoise dans des mers lointaines, le tendre chuchotement de mots doux dans le creux de mon cou, un galop assourdissant sur un étalon blanc. Parfois, au cours d’un songe joyeux et coloré comme un feu d’artifice, les chants envoûtants des sirènes m’emportent dans leur sillage vibrant et chamarré vers des merveilles de plaisirs.
Mais au sein de ce réel implacable aucun son ne me libère, aucun baume n’adoucit ma peine, aucun amour ne réchauffe ma prison de glace. L’absence s’infiltre à pas feutrés dans mon sac de peau blafarde vidé de tout désir, l’indifférence muette gagne mon cœur désormais transparent. Seule la colère qui parfois jaillit bruyamment de mon être comme la lave incandescente d’un volcan me signale que je suis toujours en vie.
Désormais, qui touche à mon corps je le tue, je le jure.
Christine Gillet
Épilogue
Tu sais, Valentine, voilà sept jours que je te regarde, que je te parle, que je t’écoute, que tu ne réponds plus, que j’attends, que tu m’entends peut-être, que tu ne me regardes plus. Où es-tu ?
Ce n’est qu’une échappée, Valentine, au pays des corps en silence.
Ils te couvriront de baume pour que tu sois toujours belle, et moi j’entends tous ces mots dont tu m’as nourri, je vibre à la note sensible de ton amour de mère.
Tu inspires, souffle à souffle, mon élan de vivre, tu expires des murmures que je tente de décoder. Tu seras mon arbre, mon phare, ma canne, paisible et forte, si légère déjà, évanescente...Impérissable.
Eric Protin
Tu sais, Valentine, que je me suis offert l’échappée dont je rêvais.
Après un long voyage, je suis parvenue à l’île haute et là, je tente de trouver paix, sérénité, baumes et oubli nécessaire pour renaître, enfin.
Ici, le monde est différent, démesuré, inversé : le bleu du ciel est dans la mer, le ciel est vert, recouvert par la canopée. Les arbres sont gigantesques, bleus ou roses selon les heures et emplis de chants mélodieux.
Hier, au cours d’une promenade, j’ai photographié une fleur magnifique, un arum de chez nous, mais quatre à cinq fois plus gros que le nôtre ! Sur le chemin du retour, je me suis arrêtée au bistro du coin et j’ai montré ma photo à la serveuse. Je voulais lui demander si cette plante géante porte le même nom que notre fleur.
C’est alors que je vis ses yeux s’agrandir jusqu’à se remplir de larmes.
- Je peux ? me demanda telle d’une voix blanche, et, devant mon signe de tête affirmatif, je la vis courir au comptoir, saisir son i phone et s’exclamer :
- Allô, Dimitry ? Si tu es disponible, rapplique ici ! Tout de suite !
Tous les gens s’agglutinèrent au bar, se bousculèrent, penchés sur ma photo.
Je compris, peu à peu, qu’à côté de ma plante j’avais photographié, à mon insu, quelque-chose d’incroyable, d’extraordinaire qui déclenchait mille clameurs de plus en plus bruyantes ! C’était, figure-toi...
Manin Christiane
Tu sais Valentine, cette nuit du 22 au 23 mars 1944, je ne l’ai jamais oublié.
Elle a marqué en silence tout mon corps à l’encre de pierre, la noirceur de ces temps en un tatouage indélébile. J’entends encore le vacarme de ces camions à gazogène monter péniblement la côte de la Martellière à l’heure où le coq s’apprête à rompre le repos, des notes sensibles de la mémoire. Je n’avais que 15 ans, mais en moins de sept jours mon existence de benjamine protégée avait endossé l’étoile de la jeune fille surexposée.Une veuve dans la peine nous avait recueilli en ce paisible hameau niché sous la colline de Vouise. Avec Anna, ma sœur aînée, nous étudiions au lycée du village. Ce bruit assourdissant nous avait réveillé en sursaut et en ces temps de troubles, dans ce havre de repli, des camions de l’occupant stoppant leurs véhicules à proximité annonçaient un danger. Germaine, notre protectrice, nous fit descendre à la cave par la petite trappe du plancher de la cuisine, nous intimant de rester calme. Où s’échapper ? Où se cacher ? Là, un tonneau à guichet, prêt à recevoir le fruit de la vigne, couvrit nos corps chétifs apeurés. Notre juste patronne plaçant ses mains de pianiste sur le dessus du fût en priant. Nos sens étaient à l’affût, nos cœurs étaient aux palpitations tachycardies et nos oreilles bourdonnaient. On entendit les engins moteurs redémarrer, poursuivre leur destination. Où allaient-ils à cette heure ? Qui cherchaient-ils ? Dans les jours qui suivirent, nous apprîmes par la rumeur qui court de hameaux en villages et de bouches à oreilles que quelques maisons plus haut, des enfants, des hommes, nos frères avaient été raflé par la Gestapo et déportés dans les camps d’où l’on ne revient pas. Nous nous promirent alors d’éclatantes revanches face à l’injustice de l’Homme aux noms de Simon, Abraham, Samuel...
Pascale Giraud
Tu sais Valentine, une nuit, j’ai fait un rêve. Un rêve exquis et délicieux. C’était l’échappée belle vers le pays des songes, la note sensible, loin des contraintes et banquises de la vie ordinaire. Je me promenais dans une forêt enchantée au milieu d’arbres chatoyants qu’un soleil rougeoyant inondait de ses milles rayons de couleur, en parfaite harmonie avec la nature. Ça me mettait du baume au cœur. La forêt chantait un air féerique et mélodieux. En touches multicolores, des fleurs étranges et pailletées d’or résonnaient sous le souffle léger d’une brise printanière. Je marchais entourée de cette nature, d’un pas léger et aérien, et la symphonie harmonieuse de la nuit m’accompagnait dans les méandres de ma rêverie. Des corps en silence, silhouettes angéliques ou imaginaires se dessinaient entre les arbres frémissant de douceur et de paix. Des oiseaux aux formes géométriques lançaient leur mélodie à tue-tête qui se mêlait aux tons de la forêt : violet aigu, jaune aux airs de violons, rouge profond ou écarlate, bleu des nuits inespérées. Tu seras mon arbre entonnait les oiseaux à une des ombres singulières. Celui qui nous permettra d’atteindre le bleu du ciel où chaque espérance pourra se concrétiser.
Jocelyne Rey
Le secret
Tu sais Valentine.
Au loin, les bancs de sable de l’île haute, pareils à des éclats de banquises égarées, éblouissent sous le soleil. Immaculés.
Sur la Côte Sauvage, à la limite des roseaux, la marée descendante a découvert des amants enlacés.
Les griffes de sorcière tissent de leurs fleurs un linceul posé avec délicatesse sur ta puberté naissante, ô ma princesse. Sept jours ! Sept jours d’une passion tourmentée.
Et ce matin, des corps en silence. Un silence troublé par les ricanements des mouettes. Éraillés, rauques et cruels.
Le rose indien des fleurs voile à peine le rouge violacé des ecchymoses.
Lui a le corps lacéré. Des blessures profondes. Morsures d’une murène ? Cette créature fascinante et inquiétante à la fois sortie des eaux sombres du crépuscule...
Tu ne savais pas Valentine...
Qui touche à ton corps, je le tue.
De nuit.
Sans un bruit.
Geneviève Protin
Tu sais Valentine, je t’ai prise au mot. Enfin.
L’échappée dont tu ne cessais de me célébrer la liberté pour laisser déferler mon imagination créatrice, cette échappée solitaire sur l’île haute, comme tu la nommes si justement, j’y suis parvenue. Ma thébaïde fait face à l’océan, un refuge ouaté, un cimetière marin immémoré, un véritable paquebot dans les arbres si rares ici, ployés sous les assauts du vent dont le tumulte m’apaise. Je m’y sens sereine, seul le déferlement des vagues qui viennent s’échouer sur le rivage hostile rompt le silence de cet ancrage insolite. La nuit, je guette leur musicalité dissonante mais vivante. Elle me rassure.Ce matin encore, le brouillard masquait l’horizon. Mon regard fouillait la masse cotonneuse sans en percer la compacité. Puis, soudain, il s’est dissipé et je l’ai vue, elle que je cherchais. Juchée sur sa murène apprivoisée, telle une Hélène antique à la beauté céleste, amazone subaquatique brandissant insolemment son trident divin. Ma sirène. Sept jours durant, illusion chimérique, elle a surgi des vagues pour séduire mon imaginaire agreste, primitif, inculte. Puis les mots ont jailli et noirci les pages blanches qui m’avaient si longtemps hantée, obsédée, banquises infernales qui m’avaient précipitée à la géhenne. Tu sais Valentine, je ne souffre plus, je vis. J’écris.
Catherine Spinard
« Tu sais Valentine entendre le silence n’est pas donné à tout le monde ». Je regarde son sourcil droit passer en mode chapeau chinois et l’esquisse un sourire. Elle est si belle quand elle fait sa moue dubitative. C’est la caricature de la fille surexposée et pourtant elle ne saisit pas ma remarque. Sept jours qu’elle baigne dans le bruit assourdissant des défilés, des flashs de photographes, des applaudissements et de la musique en bruit de fond, partout, tout le temps. Jamais seule, jamais tranquille. Une armée de bras et de main autour d’elle qui l’habille, la maquille, la coiffe. « Ne bouge pas chérie »,
« penche la tête », « tourne à droite », « tourne à gauche », dans des lumières éclatantes qui ne laissent pas aux pupilles une minute de repos. Je me demande comment j’ai pu co créer un être aussi différent, moi dont la devise pourrait être « Qui touche à mon corps je le tue ». J’aimerais la kidnapper, l’emmener dans un endroit qui ressemble à une banquise, monochrome de couleurs et silence absolu, voila ce qu’il lui faut. Un univers froid qui pourtant permet de faire vibrer la note sensible. Contrairement à cette agitation constante qui faire taire sa musique intérieure. Qui ne veut pas s’entendre se plonge dans le bruit.
Amandine S
Tu sais Valentine, je me suis échappée d’un centre de rétention et je cours cours pendant sept jours au milieu de l’île haute. J’essaye de rejoindre un paquebot dans les arbres mais impossible de l’atteindre je glisse, je me fais mal. Les arbres gémissent sous le lourd fardeau. Tout est blanc cela ressemble à une banquise et des corps en silence restent immobiles. Seul le vrombissement d’une motoneige qui s’approche vient troubler cette quiétude. Les deux personnes à la mine patibulaire semblent à la poursuite de quelqu’un. Je me demande s’il s’agit de moi. Apparemment non car ils crient un prénom que je ne connais pas. Tout semble figé, les corps ne bougent pas. Les deux hommes s’agitent, des coups de fusil claquent dans cette immensité. Ils m’effraient. Mes dents s’entrechoquent, je grelotte et je mords mes gants pour qu’ils ne m’entendent pas. A cet instant un navire apparaît, une forme étrange, blanche qui ressemble à une silhouette. Elle me fait signe d’avancer et de la rejoindre. J’avance à pas prudents, j’ai l’impression d’être happée à une allure vertigineuse dans un tourbillon de couleur rouge vers l’univers. Tout va très vite je ne distingue plus rien, j’ai l’impression d’être satellisée. Je me demande ce que je vais devenir. Je vois apparaître des robots qui parlent une langue inconnue. Leurs pieds tapent lourdement le sol dans un bruit assourdissant. Je veux me sauver mais je suis clouée au siège impossible de bouger. Brusquement je suis projetée hors du siège et je tombe à une allure vertigineuse. Je vois arriver la terre sur laquelle je m’écrase comme un pantin. J’ouvre les yeux , m’aperçois que cela n’était qu’un rêve et que je suis assise seule sur mon lit. Personne à mes côtés. Mais qui est cette Valentine sûrement le prénom de la silhouette qui m’a emportée avec elle mais je ne le saurais jamais.
Sylvaine Beaumelle
Tu sais Valentine, je voudrai devenir montagne. C‘est ainsi que s’adressait Petra, le lac côtier, à la déesse de la Nature.
- Mais pourquoi donc s’étonna-t-elle ?
- Je subis les éléments, dès que je lève mon regard, soit le soleil m’aveugle, soit le ciel gris m’impose sa nuit or la montagne repousse les nuages et le soleil éclaire son horizon. Tous les vents hurlent et me donnent la chair de poule alors qu’ils sifflent d’admiration entre les sommets. Observe bien l’île haute, elle s’élève de décade en décade, cette fille surexposée du golfe deviendra un jour l’égale des plus grands. Je souhaite faire de même et je me promets d’éclatantes revanches mais il faut m’aider.
- Petra, l’île haute héberge un volcan, il a le feu sacré qui le nourrit avec l’objectif d’en faire un géant, et cela ne s’accomplit pas en sept jours.
- Je le sais bien et nos ancêtres géologiques ne sont pas de la même famille mais peut être peux-tu intervenir, tu as des relations… Cette note sensible berça les oreilles de la déesse qui, émue par cet appel, s’entendit murmurer
- Je te promets d’intercéder en ta faveur auprès de Gaïa, déesse de la Terre.
Aussitôt dit, aussitôt fait, Valentine demanda audience à Gaïa qui se félicita de la coïncidence. Pandar, le doyen des volcans, lui avait récemment demandé une autorisation de passage en direction de Pétra afin d’étendre son réseau. Il ne s’agissait donc plus que de patienter quelques centaines d’années pour accéder au vœu de Pétra qui allait ainsi grandir dans la famille de Vulcain.
André BERGER
Pthisis
Tu sais Valentine, je me promets d’éclatantes revanches. Des vengeances comme on les raconte dans les légendes, de tonitruants coups d’éclat à faire pâlir la foule. Et au milieu du brouhaha de la plèbe, de tous ces cris, de ces suppliques et de mes rires déments, tu auras la place d’honneur, le premier rang. Mieux, tu seras la cause. Tu seras mon arbre et je serais la pomme. Et jamais on aura entendu de pomme faire pareil vacarme en tombant de sa branche. Ce sera retentissant, assourdissant. Et comme chez Newton, la chute sera révélation. Comme sortis de la caverne de Platon, vous ouvrirez alors bien grand les yeux, éblouis par tant de machiavélisme. Je serais cette vérité presque aveuglante, cette réalité que votre regard cherche à esquiver. Votre réalité. Tu le sais Valentine, la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre. Avec tes crocs tu m’as façonné. Mais les fruits pourrissent lorsqu’on les délaisse. Alors, quand je tomberai, nul ne pourra ignorer l’odeur, nul ne pourra se détourner de l’horreur de tout ce rouge répandu à tes racines. J’accaparerai vos regards et ces revanches que je vous ai promises pourront enfin se réaliser. En sept jours, je réduirai à néant ce monde hypocrite, j’atteindrai la singulière perfection de l’abîme. C’est un miroir que je vous tendrai alors, le reflet glaçant de la vacuité de vos âmes. Et ne restera de vous que des corps en silence.
Alice Civario
Tu sais Valentine, j’ai aperçu sur l’île Haute des pêcheurs en ciré jaune. Ils luttaient contre vents et marées pour récupérer leurs filets.
La tempête soulevait les sacs plastiques qui se regroupaient en spirale dans les airs. Cela faisait à peine sept jours que nous étions arrivés sur l’île et déjà le mauvais temps nous avait rattrapé.
Les éclairs sillonnaient le ciel, créant des lignes de feu, tandis que le tonnerre grondait, roulant des mécaniques.
Mais, heureusement nous étions en famille comme autant de baumes au cœur. Nous avons pu apprécié tout ce temps passé ensemble comme naguère dans la maison familiale.
En bord de mer, près de la plage de galet, nous avons retrouvé le chemin ensablé dans la lande. Nous avons déterré la note sensible de nos souvenirs et fouillé dans nos mémoires..
Nous avons pu faire rimer le bleu gris du ciel avec le bruit du moteur de notre voilier, une vraie échappée belle.
Nous avons reconnecté nos vies, trop à distance les unes des autres.
Rosemarie Chazay
Tu sais Valentine, un jour je décide de tout quitter.
Je pars sac au dos pour une échappée vers un autre monde : ne plus être écrasé par la réalité, voir d’autres cieux, découvrir un univers fantastique, me fondre dans des paysages extraordinaires, écouter le silence . Voilà mon but.
Devenir montagne, marcher sur la banquise, tout est possible, rien ne m’arrête.
Je prends des chemins de traverse, je rencontre des animaux étranges qui m’accompagnent un moment ; ils me parlent, et je les comprends, je caresse la murène, devenue mon amie. Sa douceur me réconforte.
Je pars sur l’île haute où je vis entre mer et montagne et où je ressens une force de vie
extraordinaire. Combien de temps ce périple ? Sept jours ? Quinze jours ? Un mois ?
Où est le rêve, où est la réalité ? Peu importe. Plus rien ne m’étonne.
Je vis pleinement chaque minute.Le bonheur est là.
Alors, Valentine n’hésite pas à embarquer .Tu ne le regretteras pas.
Annie Faure
Tu sais Valentine, il ne me reste que sept jours à vivre. Après, tout cela sera fini. Notre liberté s’échappera en même temps que la légèreté du quotidien. Les attentes de ma famille ont eu raison de mon indépendance et prennent le dessus sur mes propres choix. L’avais-je vraiment ? Mon père me présente sa décision comme étant une chance inouïe. Je perçois en cette « opportunité » la vie d’une fille surexposée dans cette société patriarcale, prête à se donner corps et âme dans une relation qui ne lui appartient pas, pour garantir la prospérité de sa lignée. Dans mon malheur, je visualise un avenir très animé, cela me met du baume au cœur. Je me promets d’éclatantes revanches contre cet homme qui m’a mis la main dessus. Il a cessé de m’écouter lorsque ses yeux se sont posés sur moi. J’entends hurler mes pensées quand il entre dans une pièce : « Qui touche à mon corps, je le tue ! ». Est-ce là une vérité alors que je me retrouve paralysée ? Ayant un regard détaché face à l’union des corps en silence, comme si mes yeux ne voulaient pas voir le cauchemar de ma vie. Cette lettre est sûrement la dernière avant un long moment. Je ne pourrai plus apprécier la mélodie de ton rire si doux et qui pourtant peut répandre la joie à quiconque tend l’oreille. Il me rappelle à quel point la vie vaut la peine d’être vécue, à tes côtés. J’aime la façon dont tes yeux dévorent les mots de tes ouvrages préférés pour les reconstruire dans tes propres récits. J’espère avoir un jour le bonheur de te lire. Valentine, cette lettre est pour toi. Ton amie, amante, amour.
Camille Colombet
Tu sais Valentine depuis que j’habite à Voiron, j’ai envie de « devenir montagne ». Sa force et sa beauté m’invitent à la contemplation et à la joie. La montagne, comme un « corps en silence », qui respire et se transforme, s’assoupit et se réveille, de la neige en hiver et des fleurs au printemps. Regarde Valentine et entends, laisse tes yeux se remplir de ces panoramas, tes oreilles s’enivrer de la symphonie naturelle. Tu sais Valentine je tutoie la montagne maintenant, et je lui murmure à l’oreille « tu seras mon arbre », celui qui me protège, qui me rappelle que je suis moi aussi enracinée quelque part. Un arbre avec des yeux et des oreilles, un cœur qui bat et une sensibilité à fleur d’écorce. Lorsque la tempête me violente, lorsque le doute m’immobilise et les erreurs s’accumulent, je pense à la montagne, à mon arbre. Me poser, regarder et écouter, reprendre mon souffle, observer et entendre tout ce qui m’entoure. Je conjugue souvent la vue et l’ouïe au figuré, pour repousser les préjugés si nombreux, pour dépasser les injonctions sociales si bruyantes. Tu sais Valentine, j’ai beaucoup apprécié de passer ces 15 lignes avec toi.
Valérie Jacquet
Tu sais Valentine, j’ai pris tout mon courage, fais fi de ma honte et poussé la porte. J’entends encore le timbre de la sonnette résonner en moi, je sens encore ma peau frissonner, je ne voyais rien, déterminée. Qu’étais-je devenue ? Une murène cherchant la porte de sortie mais aveuglée par un flot de larmes qui ne cessait de couler… Oui, un mur de haine. Je passais de cet état de sidération, de cet espace d’ombre à un espace de feu et de sang. Ma rage me faisait devenir montagne. Il me fallait bien toute cette force quand j’ai entendu « Vous voulez me faire croire que vous avez vu un paquebot dans les arbres, c’est bien cela ? » Alors, j’ai entendu les craquements des branches et senti tout mon corps à nouveau suspendu...coupée en deux...plus de pensée...un corps en silence. Il avait touché la corde sensible, il ne me restait plus que l’échappée devant cet homme en uniforme. « Mais sais-tu que tu es impuissant face à ma pensée ? Touche à mon corps et je te tue ! »
Pascale SAUZY
Tu sais Valentine, devenir montagne, c’est pas si facile.
Sept jours ne suffisent pas pour tout saisir dans cette frénésie de sons et d’images qui font de l’Île Haute un paradis.
J’ai planté mes deux pieds solidement dans le sol. Ensuite, je me suis hissée jusqu’au paquebot dans les arbres, échoué là par Miguel Bonnefoy, sans doute.
J’ai attendu que le jour décline, que le silence s’installe. Les oiseaux de jour se sont tus et la nuit a vibré du bruissement des mille vies qui l’habitent.
Les oreilles grandes ouvertes, les pupilles dilatées dans le noir, j’ai guetté la note sensible et la couleur qui jaillira de la nuit.
J’ai écouté, écouté. J’ai vu les hautes falaises à franchir, les vertigineux précipices et les arbres bordant les douces prairies de l’alpage. J’ai aperçu les neiges naguère éternelles qui fondent en larmes amères.
Tu sais, Valentine, je n’ai pas réussi, mais je me promets d’éclatantes revanches. Je recommencerai.
Marie A.
LA MAGIE DES ÉLÉMENTS.
Tu sais Valentine, la magie des six éléments est compliqué à apprendre. Cela ne prend pas sept jours pour acquérir un tel savoir mais bien sept ans, en tout cas, ce fut mon temps d’apprentissage. Vois l’île haute de l’autre côté de la baie, son volcan est le siège du feu. C’est dans son cratère que tu apprendra la maîtrise de l’élément ardent. Prend exemple sur ton maître et vois cette pierre devenir montagne, écoute mes conseils, c’est ainsi que tu parviendra à maîtriser l’élément tellurique. Toi, la fille surexposée aux quatre vents, écoute les siffler dans tes oreilles, bientôt tu contrôlera l’élément atmosphérique et fera tomber la pluie sur les cultures sèches. Les deux banquises que tu vois au large renferment un des trois symboles de l’élément aquatique, quand tu sera capable de résister au froid, tu sera capable de contrôler l’eau, la glace et la vapeur. Toi Valentine, quand tu aura appris à maîtriser l’élément vitale, le cinquième élément, tu seras déjà considérée comme une grande magicienne. La télékinésie et la force animal sont les deux autres symboles de cet élément, il faut une certaine force d’esprit pour écouter ses sens et son instinct. N’aie pas peur du sixième élément, des corps en silence suspendus dans les ténèbres de la mort, voilà une des peurs ancestrale que matérialise cet élément, vois comme c’est noir, écoute ce silence ténébreux. Viens Valentine, tes cours commencent.
Gérard Pernot
Tu sais Valentine, je vais te parler d’une petite fille, les grands, les adultes disaient d’elle qu’elle était réservée, discrète car elle parlait très peu.
Elle regardait autour d’elle en imaginant des histoires comme ce paquebot dans les arbres sur l’île haute au milieu de l’étang de la maison à côté.
A l’école elle regardait toujours dehors pour s’échapper et s’imaginer danser sur une note sensible amenée par le vent et les nuages.
Pour rentrer chez elle après l’école, l’hiver, la nuit commençait à tomber.
Dans la pénombre, dans les champs qui bordaient la route, elle voyait des corps en silence, immobile, des loups debout et habillé comme elle lisait dans les vieux livres de bandes dessinée.
Elle avait peur, et criait en courant pour vite rentrer chez elle.
La petite fille a grandit, la tête toujours dans les nuages avec sa réserve et sa discrétion.
PIVOT-PAJOT Christine
Tu sais Valentine, tu as le droit d’être en colère aujourd’hui. Aujourd’hui, hier ou demain d’ailleurs, ce n’est pas une question d’âge en réalité, c’est une question de sensibilité. Quand tu entends les craquements des banquises qui se morcellent, le cri de la murène qui s’étouffe, la sirène d’un paquebot dans les arbres après un tsunami, c’est la note sensible en toi qui résonne. Valentine, n’écoute pas celles qui te feront croire que ce n’est pas grave, que tu es la fille surexposée qui ploie sous un concentré factice de catastrophes exagérées. Bats-toi, Valentine ! Suis-moi ! Je me promets d’éclatantes revanches, et je veux que nous les partagions ensemble ! Regarde à l’horizon – non, pas aux derniers étages des immeubles, au-delà – nuages, sommets enneigés et oiseaux sauvages forment l’île haute, parcelle sauvegardée de l’éco-délinquance humaine. Nous sommes toutes tentées de la rejoindre, cette île, de s’extirper de notre condition délétère ; mais peu de nous aurons le courage d’abandonner leurs habitudes. Voudrais-tu devenir nuage, devenir montagne ou oiseau, Valentine ? En auras-tu le courage ? Toi, rebelle en rage, tu seras mon arbre, et je serai ton encrage, je solidifierai tes racines et tes feuilles me nourriront, ensemble, notre cime en feu fera des ravages.
Jane
Tu sais Valentine, avec toi je me sens libre comme un oiseau. J’ose, j’expérimente, j’écoute la vie les yeux grands ouverts, et j’y plonge la tête la première. Auparavant, j’étais cette fille qui trop souvent surexposée avait fini par devenir montagne pour se protéger. Perchée sur une île tellement haute, pour ne plus rien entendre, ni ressentir, elle en était devenue forteresse. Depuis là-haut, j’avais certes un panorama fantastique, mais totalement désertique. Au loin, la banquise resplendissait. J’étais progressivement devenue spectatrice extérieure. Je discernais avec peine l’écho des foules. En somme, je percevais le grondement de la joie sans pour autant oser y apposer mon propre timbre. Pourtant, je m’étais promis d’éclatantes revanches. Tu as été mon échappée. La première fois que j’ai écouté ton chant, la lune a tremblé et j’ai cru m’envoler. Doucement, j’ai laissé résonner ta voix sur l’horizon. Elle a été le baume qui a rallumé mon corps en silence. J’ai tout de suite su que que tu serais mon arbre. D’un timide regard je t’ai embrassé. Doucement, tu t’es enracinée. Soudain la nuit noire s’est embrasée. Maintenant, une note lumineuse toujours sensiblement scintille. Merci d’avoir rendu mes yeux à la mélodie de la vie.
Sofia
Tu sais Valentine, dans Sept jours Tu seras mon arbre, ma forêt enchantée, mon rossignol. Tu combleras à jamais mes yeux et mes oreilles. Tu seras mon TOUT !
Avec toi Valentine, je veux Devenir montagne ! Pour t’admirer à l’infini. Pour t’écouter inlassablement. Je souhaite Valentine, que nos corps soient des Baumes l’un pour l’autre, que nos cœurs découvrent ensemble La note sensible. Beauté et harmonie.
Valentine, je te veux pour la vie : dans sept jours, dis-moi OUI !
Chrystelle
Tu sais Valentine, dans sept jours, tu passes l’épreuve de philo et dans 2 mois, tu seras dans le grand bain, sans les brassards, dans une eau infestée de crocodiles. Tu vois, avec le Bac tu as l’impression que c’est la fin d’un chapitre. C’est plus que ça, c’est un nouveau tome dans la saga de ta vie. Entends-tu ? C’est la vie qui t’appelle !
Ce départ ne doit pas être une échappée, ce départ nous le vivrons avec toi et nous resterons là pour toi, nous serons tes yeux et tes oreilles ici. Nous t’avons beaucoup protégée, peut-être trop, et d’un coup tu vas devenir la fille surexposée dans cette grande ville, tu verras des choses que tu n’as jamais vues (tu te souviens que petite, tu racontais avoir vu un paquebot dans les arbres, nous avions mis du temps à comprendre que tu parlais d’un nuage...), tu entendras de nouvelles voix, tu feras de nouvelles expériences et ton esprit va s’ouvrir encore.
Je sais qui tu es et ce que tu vaux et je pense qu’au fond de toi, tu le sais toi aussi. Tu as ce qu’il faut pour là-bas, grandir dans le calme et la sérénité, devenir montagne, pour qu’on te voie, puissante et implacable, sûre de ta force.
Mais en attendant, oublie tes fiches, oublie les baumes et les onguents que tu te prépares déjà pour le futur, oublie tout ça et profite avec nous de ce mois de juin tranquille, viens voir la mer avec nous, regarde le soleil miroiter dans l’eau, écoute les mouettes, écoute le vent, sens le glisser sur ta peau. C’est de loin la meilleure préparation pour le reste de ta vie !
Sylvain d’Houlbec